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erfurt

donnaient de petits bonheurs, des songeries, et de la gaieté, comme ils touchent l’âme ! Et quel bon conseil dans leur amour du réel, si riche de joies profondes, et dans leur reconnaissance envers la vie qui donne les fraises, les roses, et aussi la paix, quand tout le jour, fervent et sans orgueil, on a bien travaillé…

Il y a un cloître au flanc de l’église, et qui n’est pas très beau. Impatientée par ma flânerie, la demoiselle qui me guide m’y abandonne, et je vais m’asseoir dans un coin où un peu de soleil arrive encore.

Bien des fois en ce temps de l’année, ce même jour peut-être, je me suis assise dans un cloître : cloîtres d’Angleterre aux sculptures noircies d’humidité, froids, nobles, et bien tenus où parfois au milieu de l’herbe serrée un immense cèdre obscur et mortellement triste s’étale ; cloîtres de Pavie, surchargés de tant de colonnettes, de toits qui se superposent, encombrés de tant de formes sans repos, et qui font penser à une essoufflante tarentelle. L’an dernier j’ai cueilli un brin de sauge dans le cloître de Saint-Jean-des-Rois, à Tolède. Le carré de ciel était d’un bleu uniforme et sec, la terre était sèche, l’air avait une odeur de sécheresse, une odeur de bois brûlé, d’encens qui s’évapore : l’odeur d’Espagne ! Par intervalles, j’entendais grincer la poulie du puits, le seau enfonçait avec un claquement liquide. Et ce bruit d’eau dans cette aridité faisait naître d’étranges images : la soif dans le désert, les mirages qui se lèvent du sable, dévoré