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un voyage

remarqués, et une animation d’un caractère pareil. C’est fort innocent de se promener le dimanche ? Mes promeneurs n’avaient pas l’air innocent, ni détendu, ils avaient un air de hâte, d’avidité…

Plus j’y songe, et plus je m’en persuade : ce n’étaient pas des Berlinois. Car ils donnaient l’idée de gens résolus à jouir sans attendre, à s’amuser violemment, constamment, à faire de l’effet ; de gens enfin qu’une force irrésistible débride et pousse à toute vitesse vers les extrémités du plaisir, de la vanité, et vers l’argent.

Ce n’étaient pas des Berlinois, lesquels, graves, sages, bien portants, ont les nerfs en équilibre, une moralité stricte et, soigneux de régler leurs désirs, ne montrent aucune fureur de rapides jouissances.

Si j’ai en un temps très court aperçu ces deux fous, ce nombre d’épileptiques, toutes ces personnes, impossibles à identifier, et dont l’expression alternativement morne et surexcitée avouait d’obscurs et forts appétits, c’est par hasard – un de ces hasards dépourvus de sens, mais qui jettent l’esprit dans une grande confusion. – J’aurais dû, avec prudence, garder pour moi l’effarement de cette première course… Est-ce ma faute, si j’ai une de ces légères têtes de France, promptes à conclure sans rien savoir ?

Les larges rues de Berlin n’ont pas l’aspect encombré qui enlaidit Paris. Et cela est fort