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un voyage

Une grosse personne vous introduit dans la gentille chapelle blanche. Les regrets et les désirs séculaires qui rendent l’air des cathédrales troublant et si pathétique ne se sont point exhalés ici. C’est un lieu favorable aux médiocres extases. Chaque détail du pieux mobilier insinue que tout est comme il doit être dans un monde parfait. Cette chapelle luit d’optimisme et de propreté. On ne s’y attarde guère. Mais, au moment de sortir, on découvre sur le mur lavé de chaux, un magnifique ornement de stuc fait au temps de Louis XV. Élancé, replié, violent et contenu comme une eau rapide un moment domptée, ce motif d’une grâce ardente, met dans la correcte petite église un accent imprévu. Il est trop vivant, trop libre. On dirait un appel de toutes les joies qui brûlent et passent. À quoi songeait l’artiste lorsqu’il modelait cet ornement ? À rien sans doute. Il n’a pas su quelle ironie il fixait pour des siècles dans la gaieté de cette chapelle, où les béguines vont remercier Dieu, qui leur permet de vieillir sans soucis.

Après l’église, c’est le musée : ustensiles anciens, portraits, meubles polis, dentelles. Quand on a tout vu, la béguine qui fait les honneurs de ces modestes trésors, montre du doigt une vieille, assise devant la fenêtre, et, à mi-voix, sur un ton de confidence fière, dit : « Elle a cent ans ! »