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ajouter à son Akakia ! Mais on n’en est pas sûr, et la jolie chambre laisse une impression mélancolique.

Cependant, il s’entretient avec le roi en de longs et joyeux tête-à-tête. Frédéric espère encore le retenir. L’orange n’était pas complètement pressée ; d’ailleurs, c’est la sorte d’orange où jusqu’au bout il reste des gouttes délicieuses. Mais la résolution de Voltaire demeure ferme. Le jour du départ arrive. Il va saluer le roi qui passe la revue de ses troupes. — La veille ils avaient ensemble causé, ri, pendant des heures : — « Monsieur, je vous souhaite un bon voyage », dit Frédéric, puis il tourne le dos. C’est tout.

Pourtant un peu plus tard, le roi philosophe, ajouta quelque chose à cet adieu si bref. On se rappelle l’arrestation de Francfort, les mauvais traitements que, sur son ordre, Voltaire endura. Le prétexte, c’était de lui faire rendre la clef de chambellan — qu’on a refusée lorsqu’il la renvoyait — et aussi le Palladium, un ouvrage obscène et satirique dû à la verve royale, et dont Frédéric le soupçonnait de vouloir mésuser. Voltaire pouvait, n’est-ce pas, faire lire le Palladium ou bien pis encore, volant ces vers miraculeux les publier en disant que lui, Voltaire, les avait écrits… — Quel fou ce Frédéric ! Mais il n’était pas un impulsif, et ses farces paraissent toutes singulièrement raisonnées. Il sait ce qu’il fait, et si la basse laideur d’une telle vengeance l’assouvit, il comprend qu’il en doit garder pour lui seul le méchant plaisir, et commande à son ambassadeur de dire hautement