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dresde

son troupeau, s’il voyait comme je les vois : les ballots trop pleins qui crèvent, montrant des étoffes lamées d’argent, brodées de perles, et couleur de soleil couchant ou de roses fanées ; les couffins de paille tressée curieusement, et peinte, qui laissent ruisseler les gemmes versicolores ; les armes incrustées de turquoises ; les sacs de cuir, brunis, patinés par l’usage, qui, en touchant le sol, rendent le bruit aigu et clair de l’or ; les blanches statues polies, qu’à grand’peine on dresse sur le rivage désert où, un moment, elles règnent, mutilées et sereines… toutes ces choses venues de là-bas, des pays de poésie où l’humanité commença son rêve…

Pour moi, Dresde est semblable à cette plage enchantée, qui attire les trésors, et accueille leur cortège de songes. À chaque pas, dans la ville délicieuse, je crois entendre des appels lointains. La Chine, le Japon, l’Inde mêlent à tous ses aspects un faste, — bien différent de l’opulence septentrionale, — je ne sais quelle frénésie de luxe, dont le charme puissant comble la pensée d’enivrantes images.

De nombreux incendies ont détruit les architectures gothiques dans lesquelles l’âme pieuse et grave de l’Allemagne se voit si bien. Mais, n’eussent-elles pas brûlé, on les aurait démolies – et on en a démoli beaucoup. Il fallait à cette ville des grâces plus ardentes.

Les architectes saxons qui travaillaient à Dresde ont subi l’influence des Italiens, appelés en grand