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dresde

la maréchale de la chambre où il s’était imprudemment attardé près d’elle, le Chevalier de la rose s’est déguisé en soubrette. Le barbon, survenant, l’a vu dans cet attirail ; ému aussitôt, il lui a, tout en causant avec la grande dame, témoigné à voix basse son ardeur, le priant, pour finir, de souper avec lui le soir même. L’heure est venue, et voici aux prises le vieux galant et la soubrette dont les bottes éperonnées dépassent la jupe. À peine sont-ils à table, dans la pièce peu éclairée et propice, les murs s’animent étrangement. La boiserie s’ouvre de toutes parts, laissant voir des têtes qui chantent, se moquent, disparaissent, reparaissent, font un sabat de maison hantée. Le barbon n’est pas remis de son effroi que la police arrive et tous les gens qui devraient être ailleurs, y compris la maréchale et l’ingénue. On crie, on s’interroge, on s’explique, personne ne comprend rien, on court de-ci, de-là. C’est le plus vif, le plus bouffon, le plus merveilleux tableau. Le chevalier ôte son costume de soubrette, le barbon est déconfit, la maréchale renvoie les gens de police, apaise tout, et avec une tendre élégance, charmante, émue un peu, elle-même fiance l’ingénue au chevalier qui, lui aussi, est ému, — moins ému que content, toutefois.

Puis chacun s’en va, la scène reste un moment vide et sombre. Est-ce fini ? Pas tout à fait. La porte s’ouvre, le négrillon de la maréchale entre, va, vient, cherche, et trouve enfin ce qu’il cherchait : le mouchoir de sa maîtresse tombé à terre et oublié dans l’agitation de la nuit. Le mouchoir, dont tout