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un voyage

Mais rien n’entame sa gaieté. Elle s’amuse et circule. Une fois, le fils de Pierre le Grand vient visiter l’abbaye. Pour ce coup elle s’y trouve, l’occasion n’est pas de celles qu’on manque. Et, drapée à l’antique, elle récite au tzaréwitch des vers composés par elle pour la circonstance. Il est enthousiasmé. Cependant l’abbesse, vieille dame fort sourde et un peu ralentie croit jusqu’au bout que la comtesse de Kœnigsmark a représenté sainte Thérèse.

Une autre fois, Aurore est à Teplitz. Elle prend les eaux, et fort gaiement. Elle-même raconte, dans une lettre, qu’avec une troupe d’autres dames pleines d’animation, elle est venue au bain couverte de voiles légers, couronnée de fleurs — déguisée en nymphe. À peine dans la piscine, ces dames aperçoivent, avec surprise, « une vieille nymphe renfrognée », qui s’ébat au milieu d’elles, puis, un examen plus attentif leur fait découvrir que la nymphe a de la barbe. Horreur, c’est le vieux comte de Trautmansdorf qui, lui aussi, s’est « couvert de voiles légers et couronné de fleurs » dans une intention qui n’échappera à personne. Grands cris, éclats de rire, on veut le chasser. Mais voici bien une autre affaire ! Au bord du bassin un homme apparaît en bottes, et coiffé d’un haut bonnet d’astrakan. On lui jette de l’eau, son bonnet tombe, il a d’immenses cornes de cerf collées à la tête : c’est Actéon ! Les nymphes sont folles de joie.

Ainsi se divertissait l’étrange nonne. Elle se divertit jusqu’à la fin. À l’abbaye où elle demeura un peu