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un voyage

ges. Point de ce rouge innocent que l’on voyait jadis dans les villas, aux environs de Paris. Non. Un rouge épais, inégal, comme visqueux et qui semble couler lourdement sur les vitres. Il s’arrête par place, figé en une sorte de vague affreuse, puis, de nouveau, il coule. C’est un rouge pareil à celui qui fuse et bouillonne au-dessus d’une artère tranchée. Et le sang qui plaque les carreaux est si dense, si pesant que la lumière ne le traverse pas. On ne voit rien que les fenêtres saignantes et la nuit dans laquelle il semble que du rouge coule ainsi, se mêle au noir… Je reste immobile. L’idée de remuer là dedans ne viendrait à personne. J’attends. Soudain, il me semble que quelqu’un me frappe durement à l’épaule. L’électricité s’est allumée de toutes parts… Ces objets que j’aperçois, ils n’étaient pas là ? Ils ont, à cette minute même jailli de la terre, et ils bougent encore ?… Ce sont des cercueils de bronze : un peuple de cercueils.

Je suis dans la chapelle funéraire des princes de La Tour et Taxis. Au fond sur un autel, le domestique, revenu enfin, me prie d’admirer le « célèbre » Christ de Dannecker. Un Christ dévêtu, gras, féminin, repoussant. Je ne l’admire pas.

Les vitraux rouges sont amortis au choc de la lumière électrique. Ils attendent le retour de l’ombre pour se remettre à saigner. Les cercueils aussi demandent l’ombre. Je me hâte de rendre ce terrible endroit à ses mystères.