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bologne

sombre. C’est une inoubliable figure. Quand on a bien imprimé en soi l’image de la mère, il faut aller voir le portrait du fils peint par Cantarini. Le contraste est singulier. Les deux visages se ressemblent un peu, — même nez droit, même tempes larges — et jamais, on le voit bien, deux êtres ne furent à ce point différents. Elle a le front net, comme une plaque de marbre. Lui, un front mou ; l’indécision habituelle s’est fixée là en rides flasques ; et son cil est vague, soucieux, poltron. Sous la barbe, le retrait de la bouche marque la faiblesse. Ce visage blet a été peint lorsque, vieilli, ruiné et dégradé par le jeu, Guide allait de porte en porte offrir ses œuvres, signait de mauvaises copies faites par ses élèves, escroquait de l’argent, et achevait dans le mépris une existence chargée de gloire. Sa mère lui avait transmis l’énergie de peindre, non celle de bien vivre. Là-bas, droite dans son cadre, elle semble, cette mère, contempler une offense secrète qu’elle a reçue. Et le fils, avec son air de débile qu’on rudoie, on dirait qu’il écoute les paroles terribles qu’elle aurait dites, lui voyant une vieillesse sans honneur et sans orgueil.

Il ne pleut plus. La ville est fraîche, la gaieté plus haute. Le soleil couchant perce les rues de grands rayons jaunes. Sous les arcades, l’ombre s’amasse. C’est l’heure où les villes italiennes