Page:Bulteau - Un voyage.pdf/438

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

RAVENNE


C’est l’endroit le plus extraordinaire ! Probablement, les voyageurs doués d’une forte tête peuvent y songer à leurs affaires. Moi, non. Sous ces mosaïques, dans ces rues mornes, dans cette campagne plate et si vide, ma propre existence me paraît une histoire incertaine entendue jadis, et je n’y crois plus guère.

L’étonnante ville que Ravenne !

On dirait qu’en la touchant, la lumière refroidit. Ses colorations suggèrent la pâleur de la mort. L’eau vivante qui apporte la vie s’est retirée d’elle comme le sang coule des veines ouvertes. Et de même que le silence succède aux grands fracas dont elle retentissait, à l’eau mobile rénovatrice succède l’eau qui stagne et dont, sans la voir, on éprouve la présence. Sournoise, elle lutte contre l’homme. On lui ouvre des canaux, on la contraint, elle semble soumise. Puis, tout à coup, la voici : elle étale ses flaques ternes au pavé d’une église, ou bien elle scintille en mince filet persistant au milieu des plaines. C’est grâce à elle que les monuments ont pu rentrer dans le sol à de si étranges profondeurs, et comme s’ils voulaient échapper à ceux qui ne les