Page:Bulteau - Un voyage.pdf/469

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
454
un voyage

fait ! — Attendrie par les souvenirs d’une telle bonté, la Guiccioli ajoute : « Sa bienveillance s’étendait jusqu’aux chats. » Mais, avec tant de vertus familières, M. de Boissy était encore un écrivain de grand ordre : « Ses lettres, écrites dans un style incisif, pleines de verve originale et spirituelle, rappellent le style aristocratique, spirituel et caustique de Saint-Simon. »

C’est promettre beaucoup. Veut-on un exemple de ce style aristocratique et incisif ? Voici la fin d’une lettre écrite au temps de leurs fiançailles : « Direz-vous encore que je fais de la politique ? Mais de quoi parler quand l’orage gronde, quand à l’horizon tout présage l’éclat de la foudre, quand l’état du bâtiment fait croire à la destruction et au naufrage ? De quoi parler, sinon de l’orage, du tonnerre, du naufrage ? Vous parlerais-je plutôt de la jolie pelouse verte qui est sous mes fenêtres, des jolies corbeilles de fleurs variées, bien fournies, bien mélangées, du gazouillement des oiseaux et de toutes les autres niaiseries poétiques que je n’ai jamais dites, pas plus que je n’ai fait de ces phrases amoureuses que débitent si bien ceux qui ne sont pas amoureux, que disent si mal, au contraire, ceux qui sont atteints de cette folie. »

Ce morceau est ironique. Passons à la grande éloquence. M. de Boissy, ayant perdu sa mère, est dans un chagrin profond, il écrit : « Hélas ! souffrir pour naître ! Souffrir pendant la vie ! Souffrir pour mourir ! Triste chose que de recevoir l’existence ! Il y a longtemps que je l’ai dit et que je le