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padoue

Et on voit plusieurs miracles encore, faits pour vous rassurer.

Je suis venue bien des fois dans la chapelle de saint Antoine. À aucune heure je ne l’ai trouvée vide. On y rencontre sans cesse des visages brûlants d’espoir. Femmes et hommes appuient leurs fronts, leurs lèvres, leurs mains ouvertes, à la pierre fraîche du sarcophage. Parmi tous ces marbres toutes ces argenteries, chacun croit au miracle, l’attend. Et l’air est chargé de foi, de douleur, d’amour.

Comme les autres pèlerins, je touche la pierre du sarcophage, et je reste là, songeant avec un frisson superstitieux, à tout ce que je redoute.

J’ai fait le tour de l’église, regardé le portrait du Saint, — dont la ressemblance est garantie, — traversé les beaux cloîtres, et je reviens, attirée comme par un aimant, à l’étrange chapelle de la Vierge noire.

La chapelle est noire aussi, et, dirait-on, pleine d’une étouffante fumée. Les fenêtres sont étroites comme des meurtrières. Le jour se pose en lames minces sur les ténèbres, qu’il ne pénètre pas. À peine discerne-t-on des traces de fresque. Cette chapelle, semblable à une grotte obscure incrustée dans la claire église, est énigmatique. Sur le sol, des dalles funéraires. Une des tombes que l’on foule insoucieusement, c’est d’elle que vient l’énigme, l’oppressant mystère de la chapelle noire…

Cette tombe appartient à la famille Obizzo degl’Obizzi : de grandes gens ! Au xie siècle, deux frères, Oppizione et Fiesco, très nobles et vaillants, après