de sorte que c’est vous, l’inconnu, qui en jouissez, non
les gens de la maison. Potiches et statuettes sont fort
laides le plus souvent, mais non les fleurs, et l’intention a une grâce qui touche. Puis, par les fenêtres
des rez–de–chaussée, on aperçoit le fond des appartements, on assiste à des repas, à des causeries,
à des sommeils béats en de larges fauteuils.
Ou bien on croise le regard des personnes qui,
assises au bord de ces confiantes fenêtres, passent
chaque jour plusieurs heures à surveiller les allants
et venants, « Comme vous avez l’air confortable
et sans souci ! » disent vos yeux à la vieille dame
si bien installée. « Et vous, comme vous avez un
drôle de chapeau et un sac ridicule ! d’où pouvez–vous bien venir ? » ripostent deux yeux amusés. On
continue sa route, spéculant sur les habitudes, les
joies, les peines de la silencieuse interlocutrice, qui,
peut-être, pense à vous. Voici d’autres dames encore
— il y en a une par fenêtre, je crois. Et toutes
celles qu’on ne voit pas et dont le regard vous
scrute, tandis que votre image traverse le miroir
vissé au mur ! Après une lente et longue promenade on rentre l’esprit plein de suppositions gaies
ou mélancoliques, et de petits brins de sympathie,
comme après une journée de visites nombreuses,
où des inconnus ont fait devant vous allusion à
leur santé, à leurs affaires, et parfois, laissé voir
une souffrance.
Je garde l’illusion d’un commencement d’intimité avec une charmante jeune femme. Elle habite au second étage, pourtant. J’ai passé bien des fois