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un voyage

sa ville. Les Assisiates envoient des soldats pour le ramener. On craint que, dans le voyage, quelque autre ville ne vole le mourant. — Posséder son cadavre, ce sera une fortune ! — Mais il arrive ; le peuple témoigne une joie frénétique ! On le tient !

Il loge à l’évêché. Et l’évêque, le peuple, les frères, tous attendent sa mort. Mais l’agonie dure trois mois. Il a les illusions des poitrinaires. Il parle de fonder un nouvel ordre où nul n’oubliera l’humilité, où tous chériront sincèrement la pauvreté. Sa longue douleur s’échappe de lui. Il crie : « Où sont ceux qui m’ont volé mes frères ? Où sont ceux qui m’ont volé ma famille ? » Il dit des paroles si amères qu’on ne laisse personne venir auprès de lui. Dans une de ces minutes où il se trompe sur son état, il interroge le médecin : peut-il durer quelque temps encore ? L’autre hésite. François insiste gaiement. Le médecin avoue qu’il ne vivra plus que des semaines. Une paix magnifique descend sur le saint. Il ouvre les bras dans un grand geste tendre et dit : « Sœur Mort, soyez la bienvenue. » Puis il se met à chanter le cantique du soleil, qu’il a fait pour louer Dieu de toutes ces créations : les astres, le vent, le nuage, le ciel pur, et l’eau « utile, humble, précieuse et chaste ». Il chante ce jour-là, et tous les jours ensuite, et tout le jour. L’évêque, qu’une si longue agonie importune, et que tous les religieux circulant par sa maison irritent, fait dire à François que tant chanter, ce n’est pas convenable. Un saint doit se recueillir devant la mort, l’attendre avec gravité, inquiétude. Mais