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un voyage


forgé ce vouloir qu’on lui vit. Il se dressa, parla enfin, pour réclamer ses droits héréditaires, et devant lui, comme toujours, il trouva Jean de Witt irréductible, prêt, pour sauver son œuvre, à combattre jusqu’à la mort, s’il le fallait. — Et ce fut jusqu’à la mort.

Quand on lit cette émouvante histoire, il semble que, s’échappant hors de lui, la haine si longtemps contenue de Guillaume, se soit alors répandue sur tout le pays avec une rapidité inouïe, comme fait la mer, les digues rompues. En un instant, le respect, l’amour, la reconnaissance, les magnifiques services, le travail des jours et des nuits, l’immense effort, tout fut oublié. Le peuple entier, fou de tendresse pour ce jeune homme, — dont il ne pouvait deviner le génie, dont il ne savait rien, sinon qu’il était le fils de l’homme qui avait tenté de le mettre en servage, — le peuple entier exécra Jean de Witt, comme l’exécrait Guillaume d’Orange.

Des accusations jaillirent de toutes les bouches, de tous les cours. Il avait préparé les défaites ; il voulait vendre la Hollande à Louis XIV. On l’attaqua dans ses mœurs, on l’obligea de prouver qu’il n’était pas un voleur ! Cet homme si fier, si sûr, et jusqu’au bout, d’avoir bien fait toujours, fut contraint à se défendre, à se démettre de sa charge, il rentra dans l’obscurité traînant après soi et sur soi d’infâmes insultes. Enfin un bas misérable, ancien repris de justice, accusa son frère Corneille d’avoir voulu faire assassiner le prince d’Orange.