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un voyage

le mort est seul ? Non, l’herbe qui fleurit, répand sa graine, plie ses minces glaives au poids des insectes vibrants, l’herbe pareille à une promesse, le garde, veille sur lui — l’herbe éternelle !

Et dans les immenses prairies elle nous offre une image de la vie, pure, généreuse, doucement continuelle. Plus que les beaux blés à court destin et qui laissent après eux le sol nu, plus que l’arbre même, elle est ce qui se donne, renaît, dure sans fin, ce qui ne veut pas mourir.

Après cette course dans le paysage abondant et serein, on apporte à la ville un cœur que nul remous ne soulève et apte à saisir les nuances particulières de sa tranquillité !

Car Harlem me paraît être le plus tranquille de tous les lieux où des hommes vivent en société. Ses habitants ne sont même pas, comme les autres Hollandais, sensibles aux ridicules de l’étranger. Aucun ne se retourne quand vous passez, ou, sincèrement surpris de vous trouver si comique, ne vous rit au nez. — Cela est digne de remarque. — Un aspect de vaste loisir plane sur tout : gens, bêtes, choses même. Personne n’est pressé, personne ne semble avoir quoi que ce soit à faire. Et, d’abord, on obéit à la suggestion. On flâne devant l’hôtel de ville où le temps a mis des patines riches et graves. On flâne autour de l’église. Elle prête l’un de ses flancs au marché des poissons. Il est là, incrusté dans son