Page:Bunyan - Le pelerinage du chretien a la cite celeste.djvu/185

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échange de quoi aurait-il pu les mettre en gage, ou à qui les aurait-il vendus ? Dans le pays où le vol avait eu lieu on ne faisait aucun cas de ses bijoux ; et d’ailleurs ce n’était pas de l’espèce de soulagement qu’il aurait pu se procurer en les vendant qu’il avait besoin. Puis il savait bien que s’il était arrivé à la porte de la Cité céleste sans ses bijoux, il n’aurait pu avoir part à l’héritage du ciel, ce qui aurait été pire pour lui que tout le mal qu’auraient pu lui faire tous les voleurs du monde.

Grand-Espoir. Vous êtes bien sévère, mon frère. Esaü vendit son droit d’aînesse pour un potage, bien que ce droit fût ce qu’il avait de plus précieux, et pourquoi Petite-Foi n’aurait-il pas pu faire ce que fit Esaü ?

Chrétien. Il est vrai qu’Esaü vendit son droit d’aînesse, et qu’il n’a que trop d’imitateurs qui se privent de la plus précieuse des bénédictions ; mais vous ne devez pas confondre Esaü et Petite-Foi, car il y a entre eux de grandes différences : Esaü faisait de son ventre son Dieu ; mais il n’en était point ainsi de Petite-Foi[1]. Esaü ne pensait qu’à satisfaire sa gourmandise, et se disait : si je meurs, à quoi me servira ce droit d’aînesse ? Mais Petite-Foi avait été préservé d’un tel égarement : il avait appris à trop bien apprécier la valeur de ses bijoux, pour qu’il lui eût été possible de les

  1. Gen. XXV, 32.