Page:Bunyan - Le pelerinage du chretien a la cite celeste.djvu/89

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Je vis alors que tout le long de la vallée, du côté droit, il y avait un fossé très-profond[1]. C’est dans ce fossé que, de tous temps, des aveugles, guidant d’autres aveugles, ont péri misérablement avec ceux qu’ils conduisaient. Du côté gauche de la vallée, il y avait un marais très-dangereux, sur lequel on ne pouvait poser le pied sans enfoncer et sans courir le risque de n’en jamais ressortir. C’est dans ce bourbier que le roi David tomba une fois, et il y aurait sans doute péri, si celui qui est tout-puissant ne l’en avait retiré.

Le sentier qu’il fallait suivre étant fort étroit, Chrétien avait beaucoup de peine à cheminer au milieu de l’obscurité. En effet, quand il cherchait à éviter le fossé qui était d’un côté du chemin, il courait le risque de mettre le pied dans le bourbier qui était de l’autre ; et quand il voulait éviter le bourbier, il était toujours sur le point de tomber dans le fossé. Il continua cependant sa route ; mais je l’entendis soupirer profondément, car le sentier était si obscur, qu’il lui arrivait souvent, après avoir levé le pied, de ne pas savoir où le poser.

Environ au milieu de la vallée, j’aperçus, tout près de la route, le gouffre de l’enfer. Que faut-il que je fasse ? se demanda Chrétien. Des torrents de feu et de fumée et des cris effroyables sortaient à chaque instant de l’abîme, et l’épée dont Chrétien

  1. Ps. LXIX, 14, 15.