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ARCHITECTURE CHRETIENNE.

di Rialto [a]], que l’on prétend remonter à l’année 520, est certainement la plus ancienne de ses églises minuscules dont l’architecture reste telle jusque dans le XVe siècle (par exemple S. Giovanni Crisostomo [b], bâti en 1483 par Tullio Lombardo).

À S. Tommaso Limine, église du IXe siècle, à deux lieues et demie de Bergame [c], la forme est de nouveau ronde ; le tambour avec la coupole repose sur des colonnes, le pourtour est rond, et la tribune fait saillie.

Enfin S. Angelo [d] à Pérouse date vraisemblablement des dix premiers siècles ; le nombre des côtés est de seize ; un même nombre de colonnes corinthiennes de la dernière époque supportent le tambour ; le toit principal repose sur des arcs qui, partant de huit angles, s’avancent vers le milieu ; d’autres arcs partent des pilastres du mur extérieur et montent vers le tambour pour soutenir le toit du pourtour. Sans les additions modernes, cet édifice, très heureusement conçu, et qui reçoit son jour exclusivement d’en haut par les fenêtres du tambour, serait d’un effet remarquable.

Pour tous ces monuments des dix premiers siècles, avec leurs colonnes et leurs fragments antiques, le prestige de l’histoire, même à notre insu, s’exerce sur notre jugement. C’est une période de l’humanité qui emploie à son usage les créations d’un autre temps, et notre imagination entoure d’un nimbe mystérieux ces églises dont le souvenir est intimement lié à l’histoire de l’Europe entière. Mais il faut écarter cette impression tant soit peu élégiatique qui vient se mêler aux considérations purement artistiques. Il ne s’agit, en effet, que d’un expédient inspiré par la nécessité, et l’ensemble ne saurait j’aurais produire une impression d’harmonie. Où en était l’art en Italie as Ve siècle, alors, qu’à défaut de fragments anciens, on tirait les colonnes et les chapiteaux tout faits de Constantinople ? Les idées et les combinaisons architectoniques elles-mêmes, comme je l’ai déjà dit, venaient en partie de l’Orient.


Et pourtant, à côté de cette dégénérescence barbare des grandes formes monumentales, il reste encore une certaine beauté dans le détail de l’ornementation.

Rome était alors somme un magasin inépuisable de petits fragments d’architecture, en tout genre, à la disposition de tous. Des consoles en pierre et en terre cuite, des fragments de corniches, des caissons, etc., entrèrent au Xe siècle dans la construction de la Casa di Pilato ou di Rienzi [e], qu’il faudrait appeler plus proprement la maison de Crescentius. Il y avait en outre et il y a encore, par endroit des plaques de pierres précieuses dont se revêtaient jadis les parois des palais ; il y avait des colonnes de porphyre entières ou fragmentaires, du marbre vert de Numidie, du giallo antico. De ces restes brisés on faisait de nouveaux dessins ; les colonnes de porphyre étaient sciées et les disques que l’on obtenait ainsi occupaient généralement le centre de la surface qu’il s’a-