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ŒUVRES DÉCORATIVES : FLORENCE.

Benedetto da Majano et Matteo Civitali. C’est à la résidence fréquente et durable de Mino à Rome, ainsi qu’aux travaux des autres artistes déjà cités, à Naples, qu’il faut attribuer la propagande qui, rapidement, se fit dans l’Italie centrale et méridionale des motifs de décoration, d’une adaptation assez facile d’ailleurs. À côté de ce style toscan, l’Italie septentrionale, Venise surtout, à sa manière propre, qui atteint son plus bel épanouissement.

Ce fut, nous le verrons, une grande révolution que la découverte des Thermes de Titus. Le nouveau système, alliant merveilleusement plastique et peinture, qu’on tira de ces Thermes et d’autres ruines, trouvera sa plus belle et sa plus riche expression dans les Loges du Vatican.

À partir de ce moment, la décadence est rapide. La décoration, soit peinte, soit de marbre et de stuc, perd soudain ce goût du détail qui la distinguait. Elle se soumet aux grands effets d’ensemble de l’architecture, qui ne se laisse plus troubler par les élégances de l’ornementation. Force lui est d’accommoder aux exigences architecturales ses profils arbitraires et sans vie, son traitement des surfaces, etc., au lieu, comme jadis, de contraster, par sa richesse, avec la simplicité de l’ensemble. (La décoration cède la place en grande partie aux figures plastiques qui, alors précisément, se multiplient, deviennent de grandeur naturelle, ou atteignent même des proportions colossales.) — Dans le style de l’ornementation se trahit aussi une sorte de désagrégation. Le rapport, si exactement établi par Raphaël, entre les figures, les ornements et le cadre, fléchit. La figure dégénère et va jusqu’au burlesque (les masques deviennent grimaces). L’ornement, dans les motifs empruntés au règne végétal, perd le caractère idéal de la plante. Il n’y a plus à la place qu’une sorte d’enflure conventionnelle. C’est comme une matière abstraite, une espèce de pâte élastique propre à tout usage. (Remarquer les cartouches ; l’on se demande vainement de quelle matière ils sont faits.) — Peu à peu, la décoration tout entière sera de nouveau absorbée par l’architecture et la sculpture. On fera encore des autels, des chaires, des tombeaux, des jambages de portes ; mais ces objets n’auront plus de style propre, ce ne seront plus que des accessoires des deux autres arts.

C’est à dessein que nous empiétons ici sur le XVIe et même le XVIIe siècle, pour ramasser une quantité de particularités qui, vers l’époque plus récente d’architecture (à laquelle elles appartiennent), ne pourraient être saisies qu’éparses. Par le style même, d’ailleurs, ces œuvres sont bien le dernier écho de la première Renaissance ; l’art qui a suivi n’a pas eu cette richesse et cette beauté de décoration, et n’a pu que la reproduire, de temps à autre, en l’imitant.

Quant à toutes ces magnifiques décorations d’un jour que Vasari cite en si grand nombre parmi les autres œuvres plus durables, elles ont naturellement disparu. Mais l’enthousiasme avec lequel l’historien décrit les constructions et appareils des cortèges, les arcs de triomphe, les théâtres,