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ŒUVRES DÉCORATIVES : VENISE.

(Molza, chapelle à gauche du chœur), contient, dans les deux nefs latérales, deux chapelles-niches d’autels d’une grandeur remarquable. La plus belle est celle du premier autel, à droite, dont les panneaux seraient l’œuvre de Dosso Dossi.


Dans les Marches, au Sud (Faenza, Forli, Rimini, Loreto), l’influence est d’abord aux artistes florentins (Giul. et Ben. da Majano, L.-B. Alberti, Agostino di Duccio, etc.) ; au Nord, ce qui domine, c’est l’influence vénitienne, qui, de Ravenne, par P. Lombardi (1481), s’étend peu à peu vers le Sud. À citer : l’autel Corpus Domini dans la cathédrale [a] de Cesena, la décoration de la chapelle della Concezione à S. Mercuriale [b], à Forli, par Giacomo da Venezia (1536), etc. — La décoration de la Santa Casa [c] de Loreto, reconstruite en marbre par Bramante, caractérise bien la tendance qu’a le seizième siècle à remplacer l’ornementation par des formes de pure architecture. Les stylobates incrustés, les colonnes cannelées se rapprochent fortement de l’antique. Les beaux festons sont de Mosca.


Venise possède un trésor extraordinaire, mais un peu monotone, d’ornements de ce style. Ici, il est vrai, le goût du marbre, blanc ou de couleur, et des matières de tout genre, est assez répandu pour que la tentation de faire œuvre d’art soit aussi forte que Florence et à Rome. Mais ce n’est qu’a certains égards que l’ornementation atteint son complet développement. Il lui manquait les soins d’une vraie mère : une architecture puissante, veillant partout, dans l’ensemble et les détails, sur le sens de la mesure et des proportions.

L’ornementation, ici, ne doit pas être cherchée dans des œuvres isolées, tombeaux ou autels (sauf quelques belles exceptions). Les tombeaux de l’aristocratie vénitienne, en effet, dépassent de beaucoup les proportions de la niche : ils grandissent, s’étendent, deviennent des architectures engagées en forme d’arcs triomphaux, avec colonnes et statues, auprès desquelles l’arabesque est presque sans valeur. Les autels mêmes prennent une forme architectonique plus développée. Et, tandis que la décoration proprement dite devient édifice, l’architecture (ainsi que nous l’avons vu) se fait décorative, en sorte qu’en général l’arabesque se réfugie à l’extérieur du monument.

Avec un peu d’attention, l’observateur remarquera vite que l’arabesque purement végétale, l’enroulement des frises, par l’énergie du dessin, l’exécution à la fois hardie et délicate du relief (et c’est, à vrai dire, une des plus belles créations de la Renaissance), est très préférable à l’arabesque avec figures, montant en spirale, qui, ailleurs, est le principal ornement des pilastres. Il semble que l’école des Lombardi en ait eu le sentiment ; elle s’est, du moins, attachée à ne mettre sur les pilastres qu’un simple rinceau, d’un travail exquis, sans écussons, vases, griffons, harpies, tablettes, enfants, etc. Plus tard, vers le commencement