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II. — SCULPTURE.





La sculpture antique, lorsque le christianisme la prit à son service, était déjà tombée dans une décadence profonde ; depuis la fin du second siècle, elle n’était plus guère qu’une répétition, sans vie, des types anciens, et, dans l’ensemble, le travail d’exécution avait étrangement dégénéré. L’amour du colossal, le goût des matières précieuses ou extraordinairement dures avait fait sacrifier la fin idéale à la recherche des moyens et de l’habileté technique ; la chute et l’écroulement de la religion païenne avait fait le reste. En tout cas, au temps de Constantin, la sculpture ne pouvait plus créer un seul type chrétien qui pût souffrir la comparaison avec n’importe quelle statue de divinité de la bonne époque.

Peut-être était-ce conscience secrète de cette impuissance, peut-être aussi défiance à l’endroit d’un art si cher au paganisme, peut-être encore égard à la loi de Moïse, — la sculpture religieuse renonça presque entièrement aux statues. Des œuvres comme les deux statues (très médiocres) du Bon Berger au Musée chrétien de Latran [a] ou la statue en brnze de l’Apôtre à Saint-Pierre [b] (cinquième siècle) sont très rares ; et encore la dernière est-elle une imitation laborieuse des figures en toge, assises, de la statuaire païenne. — Des statues d’honneur, dont la série se prolonge jusqu’au cinquième siècle, il ne s’est presque rien conservé ; et de l’époque des empereurs, après Constantin, l’Italie ne possède qu’une colossale statue de bronze, sans forme, de l’empereur Héraclius, à Barletta [c].

De la sorte, il ne pouvait être question, au moins dans le domaine plastique, d’un développement des types sacrés, pareil à celui des divinités païennes. Au surplus, les sujets, c’est-à-dire le Christ et les Apôtres, étaient loin de s’approprier à une telle fin, comme les dieux du paganisme. Ces derniers étaient nés avec l’art, et n’avaient pris leur vraie forme que par lui : leur figuration plastiqne, leur costume, leurs attributs avaient un caractère d’expression définitive, et le cercle entier du beau, tel que les anciens le comprenaient, y était enfermé. Les personnages