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se raidissait et tendait ses muscles, ces muscles que Dick jugeait si solides.

« Ne craignez pas de me faire du mal, continuait-il à dire bravement, quoique sa voix altérée témoignât des efforts qu’il faisait ; je peux très bien, quand il n’y a pas loin… »

Il n’y avait réellement pas bien loin de la bibliothèque à la salle à manger ; néanmoins le chemin sembla interminable à Cédric avant qu’il atteignît le haut bout de la table. La main posée sur son épaule lui semblait de plus en plus lourde à chaque pas, et, à chaque pas aussi, sa respiration devenait de plus en plus courte ; mais il ne songeait pas pour cela à abandonner son entreprise. Il continuait à raidir ses muscles d’enfant, tenant sa tête droite et encourageant le comte tout en marchant.

« Votre pied vous fait beaucoup de mal, n’est-ce pas, quand vous vous tenez debout ? N’avez-vous jamais essayé de l’eau chaude et de la moutarde ? M. Hobbes se servait toujours d’eau chaude et de moutarde. L’arnica est aussi une très bonne chose, à ce qu’on dit. »

Le gros dogue s’avançait majestueusement derrière eux, et le grand domestique suivait.

À plusieurs reprises encore quelque chose ressemblant à un sourire qu’il ne pouvait retenir entièrement, détendait un peu ses lèvres, tandis qu’il regardait le petit personnage qui marchait devant lui et qui faisait appel à toute sa force pour supporter vaillamment le fardeau qui pesait sur son épaule. Le visage du comte avait aussi une singulière expression, tandis qu’il jetait un regard de côté sur son petit-fils.