Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/13

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anglais, très riche et d’un caractère dur, qui détestait l’Amérique et les Américains.

Il avait deux fils plus âgés que le capitaine, et, d’après la loi anglaise, l’aîné seul devait hériter de ses titres et de ses propriétés, qui étaient considérables. Si le fils aîné venait à mourir, le second devait prendre sa place et récolter tout l’héritage, si bien que, quoique membre d’une riche et puissante famille, il y avait peu de chances pour le capitaine Errol de devenir riche et puissant lui-même.

Mais il arriva que la nature, qui ne tient pas compte des distinctions sociales, avait accordé au plus jeune fils des dons qu’elle avait refusés aux autres. Il était grand, beau, brave, intelligent et généreux. Il possédait le meilleur cœur du monde et semblait doué du pouvoir de se faire aimer de tous, tandis que ses frères aînés n’étaient l’un et l’autre ni beaux, ni aimables, ni intelligents. Pendant leur vie d’écoliers et d’étudiants, à Éton ou ailleurs, ils n’avaient su s’attirer ni l’affection de leurs camarades ni l’estime de leurs maîtres. Le comte de Dorincourt était sans cesse humilié à leur sujet. Son héritier, il le voyait avec dépit, ne ferait pas honneur à son noble nom et ne serait autre chose qu’un être égoïste et insignifiant. C’était une pensée très amère pour le vieux lord. Quelquefois il semblait en vouloir à son troisième fils de ce qu’il eût reçu tous les dons et qu’il possédât les qualités s’assortissant si bien à la haute position qui attendait l’aîné. Cependant, dans les profondeurs de son cœur, il ne pouvait, sans le lui témoigner toutefois, s’empêcher de se sentir porté vers ce fils qui flattait son orgueil. C’est dans un accès de colère causé par ces senti-