Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/142

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générosité, et entrait en fureur quand un de ses tenanciers tombait malade et avait besoin d’assistance. Si son accès de goutte était violent, il ne se gênait pas pour dire qu’il avait assez de ses maux sans avoir encore à subir le récit de leurs ennuyeuses et misérables infortunes. Quand il souffrait moins ou qu’il était dans une moins mauvaise disposition d’esprit, il lui arrivait bien parfois, souvent même, de donner un peu d’argent au recteur ; mais ce n’était qu’après l’avoir injurié, après avoir traité ceux qui avaient recours à lui de paresseux, de mendiants, et après avoir déblatéré contre la mollesse et l’imbécillité de la paroisse, qui ne savait pas administrer ses affaires. Il entremêlait ses discours de sarcasmes et de réflexions blessantes à l’adresse de M. Mordaunt, si bien qu’il rendait très difficile au pauvre révérend la tâche de faire des vœux chrétiens en sa faveur. Depuis nombre d’années que le recteur gouvernait la paroisse de Dorincourt, il ne se rappelait pas avoir vu le comte, de sa propre volonté, faire aucun acte de bonté, ni dans aucune circonstance montré qu’il pensât à un autre qu’à lui-même.

Ce jour-là, il se rendait près de Sa Seigneurie pour lui parler d’un cas pressant, et deux raisons lui faisaient redouter encore plus que de coutume son entrevue avec le comte. D’abord il savait que, depuis plusieurs jours, les accès de goutte de Sa Seigneurie avaient redoublé, et le bruit de sa méchante humeur était venu jusqu’au village, apporté par une des servantes, dont la sœur, miss Diblet, tenait une petite boutique de mercerie et en même temps de commérages. Ce que miss Diblet ne savait pas sur le château et sur son propriétaire,