Page:Burnett - Le Petit Lord.djvu/252

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stupéfaction dans laquelle ces étranges nouvelles le plongeaient ; aussi demeura-t-il au milieu de sa phrase, les yeux fixés à terre, sans penser à ramasser son couteau qui gisait à côté de lui.

« Eh bien ! s’écria Dick, qui avait été saisi d’étonnement, lui aussi, mais qui avait eu plus tôt fait de recouvrer son sang-froid, eh bien ! tant mieux s’il n’est pas comte ! Est-ce que ce n’est pas votre avis, monsieur Hobbes ?

— Tant mieux… tant mieux… balbutia le brave négociant Au fait… oui, tant mieux !… C’est égal… mon opinion est que ces gens-là l’ont dépouillé de ses droits parce que c’était un Américain. Ces Anglais nous en veulent, depuis la Révolution. Oui, ils l’ont dépouillé… dépouillé : j’en suis sûr. Je vous ai dit qu’il n’était pas en sûreté dans ce pays-là, et vous voyez ce qui est arrivé ! Je parierais que tout le gouvernement s’est entendu pour lui dérober la fortune et le rang qui lui appartiennent, au pauvre petit ! »

M. Hobbes était très agité. Il avait eu de la peine à accepter le changement survenu dans l’existence de Cédric ; mais il avait fini par se réconcilier avec l’idée de voir en lui un lord et un futur comte. Même, depuis les lettres antérieures de Cédric, il avait senti quelque chose comme un secret orgueil à la pensée de l’élévation de son jeune ami à ces hautes dignités. Cela n’allait pas jusqu’à changer complètement sa manière de voir sur les comtes et les lords, mais il y avait là quelque chose dont il ne se rendait pas complètement compte ; de plus, il reconnaissait qu’aussi bien en Amérique qu’ailleurs, l’argent pouvait être regardé comme une chose agréable à posséder ;