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DU BUDDHISME INDIEN.


connaissance, qu’à un seul des Sûtras simples de la collection du Divya avadâna ; ce Sûtra est le Dânâdhikâra, petit traité d’une page sur les trente-sept manières dont on doit exercer l’aumône, qui n’a qu’une très-médiocre valeur et n’a d’un Sûtra simple que le titre[1]. Or n’est-ce pas un fait digne d’attention de voir le nom de Mañdjuçrî, que Fa hian nous représente en quelque sorte comme le patron des sectateurs du Mahâyâna, cité dans des livres, dans des Sûtras auxquels, d’après le double témoignage de la tradition et des monuments, s’applique ce titre de Mahâyâna ? Et ce rapprochement n’explique-t-il pas jusqu’à un certain point l’opinion de Csoma de Cörös, pour qui Mandjuçrî est un personnage mythologique, le type et le beau idéal de la sagesse[2] ? Tout nous porte donc à reconnaître qu’il existe quelque rapport entre ce personnage et la partie de la collection buddhique connue sous le titre de Pradjñâ pâramitâ, à laquelle il faut joindre ceux des Sûtras développés où son nom se trouve cité, non pour dire qu’il soit l’auteur de ces livres, mais simplement pour établir qu’ils ont été rédigés depuis l’époque où l’on avait commencé à attribuer à ce personnage un rôle, soit réel, soit imaginaire. Ce n’est pas ici le lieu de rechercher quel a pu être ce rôle ; ce point trouvera sa place dans l’Esquisse que je tracerai de l’histoire du Buddhisme indien. Il me suffit en ce moment d’avoir montré que les Sûtras simples ne parlent jamais d’un Bôdhisattva nommé Mañdjuçrî, Bôdhisattva qui, au contraire, joue dans les Sûtras développés un rôle très-important, et d’avoir ajouté ce trait nouveau aux traits déjà nombreux qui distinguent les Sûtras vâipulyas de ceux que d’autres indices m’engagent à regarder comme antérieurs.

Ce que je viens de dire de Mañdjuçrî s’applique non moins rigoureusement au second des Bôdhisattvas dont je voulais parler, à celui qu’on nomme Avalôkilêçvara. Ce nom n’est pas cité une seule fois dans les Sûtras, ni dans les légendes de l’Avadâna çataka, ni dans celles du Divya avadâna, tandis qu’il figure au premier rang dans notre Lotus de la bonne loi. Il est nommé le second, immédiatement après Mañdjuçrî, dans l’énumération des Bôdhisattvas qui sert d’introduction à cet ouvrage ; et de plus, un chapitre entier, le xxive, ayant pour titre : « Le récit parfaitement heureux, » est consacré tout entier à la gloire de ce saint personnage. Il faut convenir que ce récit paraît bien mé-

  1. Divya avadâna, f. 275 b, man. Soc. As.
  2. Tibet. Gramm., p, 193. Déjà M. Schmidt, antérieurement à Csoma, considérait Mañdjuçrî comme la source de l’inspiration divine. (Geschichte der Ost-Mongol, p. 310.) Depuis, il a plus nettement encore marqué son rôle dans la cosmogonie métaphysique du Buddhisme septentrional. (Ueber einige Grundlehr. des Buddh., dans Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. I, p. 100.)