Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

daigne, ô Çramaṇa, ô toi l’Indra des Djinas, daigne avec les fermes, excellentes et belles paroles du héros des Solitaires, dissiper les doutes qui se sont élevés dans l’esprit de tes Auditeurs livrés à l’incertitude.

Non, ce n’est pas sans motif que les Buddhas parfaits, que ces chefs du monde, qui sont aussi pleins de fermeté que l’Océan, ou que le Roi des montagnes, laissent voir un sourire. Mais pour quelle raison ces sages pleins de constance laissent-ils voir ce sourire ? C’est là ce que désire entendre de ta bouche cette grande foule de créatures.

Bhagavat dit alors à Ânanda : C’est bien cela, ô Ânanda : c’est cela même ; ce n’est pas sans motif, ô Ânanda, que les Tathâgatas vénérables, parfaitement et complètement Buddhas, laissent voir un sourire. Vois-tu, ô Ânanda, l’hommage que vient de m’adresser ce jardinier plein de bienveillance ? — Oui, seigneur. — Eh bien, ô Ânanda, ce jardinier, par l’effet de ce principe de vertu, de la conception de cette pensée, de l’offrande qu’il a faite de ce présent, après avoir pratiqué l’Intelligence de la Bôdhi, dans laquelle il doit s’exercer pendant trois Asam̃khyêyas de Kalpas, après avoir accompli entièrement les six perfections qui sont manifestées par la grande miséricorde, ce jardinier, dis-je, deviendra dans le monde un Buddha parfaitement accompli sous le nom de Padmôttama, un Buddha doué des dix forces, des quatre intrépidités, des trois soutiens de la mémoire qui ne se confondent pas, et enfin de la grande miséricorde. Or ce qui est ici l’offrande d’un présent, c’est la bienveillance que ce jardinier a éprouvée pour moi.

C’est ainsi que parla Bhagavat, et les Religieux transportés de joie approuvèrent ce que Bhagavat avait dit[1]. »

Le sujet que les extraits précédents ont fait connaître touche de si près à la question de l’influence exercée par la prédication de Çâkya sur le système des castes, qu’on a vu déjà l’esprit brahmanique reprocher à Çâkyamuni de chercher trop bas ses disciples. Un semblable reproche était inspiré, sans aucun doute, par le sentiment de l’orgueil blessé ; il en coûtait à la première caste de voir des hommes d’une basse extraction élevés au rang des ascètes qu’elle avait, légalement parlant, le privilége à peu près exclusif d’offrir aux hommages et à l’admiration de la multitude. L’expression de ce sentiment prouverait, s’il était encore besoin de le faire, quelles racines profondes la division du peuple en castes à jamais séparées avait jetées dans l’Inde, au moment où parut Çâkya. Pour nous, qui n’avons jamais mis un seul instant en doute l’antériorité du Brâhmanisme à l’égard du Buddhisme, les reproches que les Brâhmanes

  1. Avadâna çataka, in-f° 16 a sqq.