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DU BUDDHISME INDIEN.


tion des causes [successives de l’existence], qui se compose de douze termes, en l’envisageant tant dans l’ordre direct que dans l’ordre inverse, de cette manière : « Cela étant, ceci est ; de la production de cela, ceci est produit, » et en commençant par « les concepts ont pour cause l’ignorance, jusqu’à ce qu’il arrivât à l’anéantissement de ce qui n’est qu’une grande masse de maux. Pendant qu’il réfléchissait ainsi sur la production des causes, qui se compose de douze termes, en l’envisageant dans l’ordre direct, fendant avec la foudre de la science la montagne d’où l’on croit voir que c’est le corps qui existe, montagne qui s’élève avec vingt sommets, il vit face à face la récompense de l’état de Çrôta âpatti ; et quand il eut reconnu les vérités, il récita cette stance :

La vue de la science a été purifiée [en moi] par le Buddha, qui est le joyau du monde ; adoration à ce bon médecin dont cette guérison est certainement l’ouvrage[1] ! »

J’ai rapporté ce morceau en entier, parce qu’il fait connaître les commencements du culte adressé à Çâkya. La légende nous donne ici plus d’un renseignement précieux. J’admets qu’elle commette cet anachronisme ordinaire et si facilement explicable, qui consiste à placer au temps de Çâkya ce qui est le fait de ses disciples. ; mais ce point une fois accordé, il n’en est pas moins vrai qu’elle nous révèle l’origine et la destination des images de Çâkya. C’est sur une toile qu’est peinte la figure du Buddha, et cette toile est envoyée à un roi, comme le plus beau présent qu’un prince ami puisse lui faire. Cette image est destinée à éveiller en lui le désir de connaître la doctrine du Maître accompli dont elle exprime les traits. Et comme pour ne laisser aucun doute sur cette destination, Çâkya ordonne qu’on inscrive les formules sacramentelles, véritable acte de foi des Buddhistes ; les préceptes de l’enseignement, que j’ai montré être identiques avec les principales règles de la Discipline[2] ; enfin la partie la plus haute de la doctrine, savoir la théorie des causes de l’existence ; le tout accompagné d’un appel inspiré par le prosélytisme. On voit par là quel rapport intime dut exister dans l’origine entre la doctrine et l’image de Çâkya. Cette image avait pour objet principal de réveiller le souvenir de l’enseignement du

  1. Rudrâyaṇa, dans Divya avad., f. 410 a sqq. de mon manuscrit.
  2. Voyez ci-dessus, p. 272. Il n’est pas probable qu’on écrivit la totalité des règles de la Discipline : si même la légende repose sur un fonds de vérité, le contraire est certain ; car au temps de Çâkya, les préceptes de l’enseignement ne devaient pas être aussi nombreux qu’ils le sont devenus depuis, et ils se bornaient sans doute aux cinq règles fondamentales, qui sont : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d’adultère, ne pas mentir, ne pas boire de liqueurs enivrantes. (A. Rémusat, Foe koue ki, p. 104.) (Voy. les additions, à la fin du volume.)