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DU BUDDHISME INDIEN.
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qu’il n’y a qu’un seul véhicule, et que si Çâkya parle de trois véhicules, c’est uniquement pour proportionner son enseignement aux facultés plus ou moins puissantes de ceux qui l’écoutent[1]. Il est vrai que dans la plupart des ouvrages que je viens de citer, la partie spéculative n’est pas dominante, et qu’elle y est mêlée à des sujets d’un autre ordre et généralement pratiques. Cependant il existe, quant à la rédaction et au style, une analogie incontestable entre les Sûtras Vâipulyas et les livres de la Pradjñâ pâramitâ. Cette analogie que j’ai annoncée plus haut en parlant des deux classes de Sûtras, formées l’une des Sûtras simples, l’autre des Sûtras développés, porte sur le préambule par lequel s’ouvrent les livres de la Pradjñâ, sur le nombre des personnages qui assistent à l’Assemblée de Çâkyamuni, enfin sur le rang de ces personnages, qui sont presque toujours des Bôdhisattvas fabuleux, venus miraculeusement de tous les points de l’horizon. En un mot, le cadre des diverses rédactions de la Pradjñâ est exactement celui de tel des Sûtras développés qu’on voudra choisir ; et pour compléter cette ressemblance, les diverses rédactions de la Pradjñâ portent le titre de Mahâyâna sûtras ou Sûtras servant de grand véhicule ; ce sont de véritables Sûtras, mais de l’espèce de ceux que je nomme développés.

Il semblerait, avoir l’étendue de ces ouvrages, que si ce doit être une opération fort longue que d’en faire la lecture complète, il ne doit pas être très-difficile de se former une idée de leur contenu par des extraits plus ou moins développés. On se tromperait toutefois en pensant ainsi ; et une expérience personnelle, acquise par plusieurs essais, me met en droit d’affirmer que la seconde opération n’est pas moins difficile que la première serait fastidieuse. Cela vient de la forme même de ces livres, et de la manière dont le sujet y est présenté. Ce sujet, qui est essentiellement spéculatif, est exposé avec les plus amples développements dans la Pradjñâ, mais nulle part expliqué ; les termes psychologiques et métaphysiques dont la philosophie du Buddhisme fait usage y sont énumérés dans un certain ordre. Chacun de ces termes forme un Dharma, c’est-à-dire une Loi, une condition ou une thèse ; car rien n’est étendu comme le sens de ce mot de Dharma. Chacune de ces thèses y est posée sous trois formes : la première affirmative, la seconde négative, la troisième qui n’est ni affirmative ni négative. Mais ce que signifie chacun de ces termes, les livres ne nous l’apprennent pas. Ce silence tient sans doute à ce qu’on les suppose connus dans l’école, circonstance d’où j’infère que les grandes collections où ils se trouvent ont été compilées à une époque où le Buddhisme était définitivement cons-

  1. C’est également ce qu’établit M. Schmidt, d’après ses autorités mongoles et tibétaines. (Mém. de l’Acad. des sciences de S.-Pétersbourg, t. IV, p. 125.)