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DU BUDDHISME INDIEN.

sance à se voir autrement que comme passager et comme successif : deux thèses dont la seconde n’est qu’une conséquence de la première, et qui sont radicalement contraires aux opinions des Brâhmanes, pour lesquels la perpétuité du sujet pensant est un article de foi.

Le second morceau, qui est encore plus court, est emprunté à un Sûtra intitulé : Raṭnakûta sûtra. Je le cite, parce qu’il donne une idée de la dialectique des Sûtras développés.

« La pensée ou l’esprit (tchitta), ô Kâcyapa, est prise comme l’objet à rechercher ; ce qui n’est pas saisi [par les sens] n’est pas perçu ; ce qui n’est pas perçu n’est ni passé, ni futur, ni présent ; ce qui n’est ni passé, ni futur, ni présent, n’a pas de nature propre ; ce qui n’a pas de nature propre n’a pas d’origine ; ce qui n’a pas d’origine n’a pas de destruction[1]. »

Cette argumentation repose tout entière sur la thèse que l’esprit ne se perçoit pas par l’observation directe et externe, la seule qu’admettent les Buddhistes. De là à conclure que l’esprit n’est pas, le chemin n’est ni long ni difficile. Au reste, la méthode et le point de vue philosophique du Buddhisme se laissent facilement reconnaître dans ce morceau, ainsi que dans le précédent. Ce qui paraît surtout avoir frappé les Buddhistes, ce qui domine toute leur manière de philosopher, c’est le fait admis par eux que l’expérience ne donne jamais que des connaissances particulières, qu’elle ne fournit que le multiple, un multiple dispersé, si je puis m’exprimer ainsi, et des faits détachés les uns des autres, subjectivement et objectivement. La considération de ce principe a été décisive, à ce qu’il me paraît, sur l’ensemble de leur philosophie, et elle a exercé une influence profonde sur les notions qu’ils se sont faites des choses.

L’examen du Vinaya sûtra, ou plutôt du Madhyamika vrĭtti, commentaire du Vinaya sûtra, malgré l’intérêt qu’il offre pour l’étude de la métaphysique la plus développée du Buddhisme, ne fait encore connaître qu’imparfaitement, à cause de son extrême spécialité, tout l’avantage qu’on peut retirer de la lecture des commentateurs qui se sont livrés à l’explication soit des livres canoniques, soit des ouvrages composés par des auteurs modernes. Il faut, pour s’en former une idée, parcourir une compilation très-volumineuse, que j’ai citée plusieurs fois dans le cours de ces Mémoires, et qui renferme plus de détails sur la philosophie buddhique qu’il ne me serait possible d’en exposer ici sans dépasser de beaucoup les limites du présent travail. Je veux parler de l’énorme volume intitulé Dharma kôça vyâkhyâ, que possède la Société Asiatique. Ce livre est,

  1. Vinaya sûtra, f. 11 b.