Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
CHAPITRE PREMIER.

les Bôdhisattvas. » Le lecteur est libre de choisir entre ces deux interprétations ; j’ai préféré la première, parce qu’il m’a paru plus conforme au sens général du passage, de faire du Sûtra qu’on y décrit, la possession exclusive des Buddhas. En traduisant avavâda par enseignement, instruction, je ne m’éloigne que très-peu du sens de commandement, ordre, qu’a ce mot dans le sanscrit classique ; mais je crois cette légère modification indispensable. La signification précise en est établie par celle du verbe avavadati, « il adresse la parole, ou l’enseignement, » qui est d’usage dans les deux grandes écoles du Buddhisme indien. J’en trouve deux exemples parfaitement clairs dans le Djina alam̃kâra pâli. Dans le premier, il est question de l’homme qui n’a que des dispositions vicieuses ; après avoir exposé la nature de sa perversité, le texte s’exprime ainsi : Tam̃ Bhagavâ na ôvadati yathâ Dêvadattam̃ Kôkâliyam̃ Sunakkhattam̃ Litchtckhaviputtam yêvâ panaññê sattâ mitchtchhattaniyatâ. « Bhagavat ne lui adresse pas la parole [pour l’instruire], pas plus qu’à Dêvadatta Kôkâliya, à Sunakkhatta fils du Litchtchhavi, pas plus qu’aux autres êtres enclins au mensonge[1] ». Le second passage nous montre le verbe ôvadati (en sanscrit avavadati), rapproché du substantif ôvâda (pour avavâda), par une de ces répétitions familières au style antique : Tattha Bhagavâ tikkhindriyam̃ sam̃khittêna ôvâdêna ôvadati madjdjhimindriyam̃ sam̃khittênatcha vitthârêṇatcha ôvadati mudindriyam̃ vitthârêṇa ôvadati. « Alors Bhagavat enseigne par un enseignement abrégé celui qui a des organes pénétrants, par un enseignement et abrégé et développé celui qui a des organes d’une force moyenne, par un enseignement développé celui qui a des organes mous[2]. » Dans un autre passage, le même livre donne ce qu’on pourrait appeler la formule générale de l’enseignement du Buddha, et il se sert du terme même dont font usage les Buddhistes du Nord. Le passage est assez caractéristique pour mériter d’être cité : Atha Bhagavâ êvam katapûrêbhattakitchtchô gandhakûṭiyâ upaṭṭhâkêna paññattâsanê nisîditvâ pâdê pakkhâlêtvâ pâdapîṭhê ṭhapêtvâ bhikkhusaThgham ôvadati : bhikkhavê appamâdêna sampâdêtha dullabhô buddhuppâdô lôkasmim dullabhô manussattapaṭilâbhô dullabhâ khaṇasampatti dullabhâ pabbadjdjâ dullabam saddhammasavananti êvam Bhagavatâ Sugatôvâdavasêna vuttô dhammô Dîghanikâyamadjdjhimanikâyappamânô hôṭi. « Alors Bhagavat, après avoir accompli de cette manière les actes qui précèdent le repas, s’étant assis sur le siége qui lui avait été préparé par son serviteur dans la chambre des parfums, ayant lavé ses pieds et les ayant posés sur le piédestal, adresse la parole à l’Assemblée des Religieux : Prenez l’investiture sans délai, ô Religieux ! C’est une chose difficile à rencontrer que la naissance d’un Buddha dans ce monde. C’est une chose difficile à rencontrer que l’acquisition de la condition humaine, que l’occasion du moment favorable, que l’état de Religieux mendiant, que l’avantage d’entendre la bonne loi. C’est ainsi que conformément à l’enseignement oral des Sugatas, Bhagavat expose la loi dont les autorités sont le Digha nikâya et le Madjdjhima nikâya[3]. » Je donnerai un autre exemple de la signification de ce mot emprunté à l’un des Édits de Piyadasi ; on le trouvera au numéro X de l’Appendice, où il est parlé de ces inscriptions.

Son corps était immobile.] Le mot dont se sert ici le texte est écrit de la même manière

  1. Djina alam̃kâra, f. 17 a.
  2. Ibid. f. 17 b.
  3. Ibid. f. 37 a et b.