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APPENDICE. — N° II.

du doute ; la huitième celle de Krôdha, ou de la colère. Puis vient, pour terminer cette énumération, une stance où sont réunis en bloc d’autres mauvais penchants, comme l’ambition, la vanité, l’orgueil et la médisance[1]. Je ne prétends pas que ce soit là une liste méthodique des dix formes du klêça ; cette description cependant présente assez d’analogie avec celle des Buddhistes du Sud pour mériter d’en être rapprochée. Je trouve cette dernière dans le Dictionnaire barman de Judson, avec les noms pâlis qui désignent chacune des divisions du kilêsa, comme le nomment les Buddhistes de Ceylan. Ce sont Lôbha, la passion, le désir, la cupidité, autrement nommé Taṇhâ, pour le sanscrit trĭchṇâ, la soif du désir ; 2o Dôṣa, la haine, la méchanceté, la colère ; 3o Môha, l’erreur, l’ignorance, la folie ; 4o Mâna, l’orgueil ; 5o Diṭṭhi, pour drĭchṭi, l’hérésie, l’erreur en religion, autrement nommée mitchtchhâdiṭṭhi, la fausse vue, la fausse doctrine ; 6o Vitchikitchtchhâ, le doute, l’incertitude ; 7o Thina, le manque de respect, l’impudence ; 8o Uddhatchtcha, l’arrogance, la rudesse ; 9o Ahîrikâ, l’impudeur, l’absence de modestie ; 10o Anôttappa, la dureté de cœur, l’absence de repentir[2]. Tous ces termes peuvent facilement se rétablir en sanscrit, et sous leur forme primitive il est aisé de reconnaître le sens que leur assigne Judson. Le mot thina est le seul que je croie altéré ; je suppose qu’il faut le lire thina pour le sanscrit styâna, la paresse, du Lalita vistara cité tout à l’heure.

Les Buddhistes du Sud reviennent très-souvent sur dix espèces d’actions coupables qu’ils nomment dasâkusala, « les dix fautes ou actions mauvaises ; » ces dix fautes présentent tant d’analogie avec la liste des Kilêsas, qu’on peut les regarder pour la plupart comme les effets pratiques des dix mauvais penchants dont le terme collectif de Kilêsa exprime la réunion. On les connaît par un grand nombre d’auteurs, comme Fr. Buchanan, Clough, Upham, Klaproth, Burney ; mais avant d’alléguer ces témoignages, je crois utile d’en donner une liste authentique empruntée à un texte qui fait autorité, c’est celle que je trouve à la suite du Pâtimôkkha, tel que le reproduit l’exemplaire pâli-barman de la Bibliothèque nationale. Il y a, dit le texte du Pâṭimôkkha, dix règles, sikkhâpadâni, que doit étudier tout novice ; elles sont ainsi nommées sikkhâ, parce qu’il a l’obligation de les étudier pour savoir les observer. Ces règles sont 1o Pâṇâtipâtâ véramaṇî, « l’action de s’abstenir d’ôter la vie à un être vivant ; » 2o Adinnâdânâ vêramaṇî, « s’abstenir de prendre ce qui ne nous est pas donné, c’est-à-dire du vol ; » 3o Abrahmatchariyâvêramaṇî, s’abstenir de la violation du vœu de chasteté ; » 4o Musâvâdâ vêramaṇî, « s’abstenir du mensonge ; » 5o Surâmérêyyamadjdjapamâdaṭṭhânâ vêramaṇî, « s’abstenir de la source de l’inattention et de l’ivresse qui est l’usage des liqueurs enivrantes ; » 6o Vikâlabhôdjanâ vêramaṇî, « s’abstenir d’un repas pris hors de saison ; » 7o Natchtchagîtavâditavîsûkadassanâ vêramaṇî, « s’abstenir de la vue des danses, des chants, des instruments de musique, et des représentations théâtrales ; » 8o Mâlâgandhavilêpanadhâraṇamaṇḍanavibhûsanaṭṭhânâ vêramaṇî, « s’abstenir de porter comme ornement et comme parure des guirlandes, des parfums et des substances onctueuses ; » 9o Utchtchasayanâ mahâsayanâ vêramaṇî, « s’abstenir d’un lit élevé, d’un grand lit ; » 10o Djâtarûparadjatapaṭiggahanâ vêramaṇî, « s’abstenir de

  1. Lalita vistara, f. 138 b de mon man. A ; Rgya tch’er rol pa, t. II, p. 252 ; Csoma, Notices on the life of Shakya, dans Asiat. Researches, t. XX, p. 302.
  2. Burman Diction. p. 60.