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APPENDICE. — No II.

ou que celui auquel on demanderait ce que c’est que le fruit de la citrouille, et qui répondrait, C’est une mangue ; ainsi, seigneur, Pakudha Katchtchâyana interrogé par moi sur le résultat général et prévu [des actions humaines], m’a expliqué la doctrine de l’un par l’autre. Alors, seigneur, cette réflexion me vint à l’esprit : [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] je me levai de mon siége et je partis [f. 15 b].

« Il arriva un jour, seigneur, que je me rendis à l’endroit où se trouvait Nigaṇṭha Nâtaputta[1], et que quand j’y fus arrivé, après avoir échangé avec lui les compliments de la bienveillance et de la civilité, je m’assis de côté, et une fois assis, je m’adressai ainsi à Nigaṇṭha Nâtaputta. Comme on voit, seigneur Aggivêssâyana, les divers états où s’exercent des industries distinctes, comme par exemple l’art de monter les éléphants, [etc. comme ci-dessus, jusqu’à] comme on voit, dis-je, ces divers états et tant d’autres analogues à ceux-là donner dès ce monde-ci à ceux qui les exercent un résultat prévu qui est de les nourrir, de les rendre heureux et de les satisfaire eux-mêmes, de rendre également heureux et de satisfaire leurs pères et mères, leurs enfants et leurs femmes, leurs amis et leurs conseillers, de leur fournir de quoi présenter aux Samaṇas et aux Brâhmanes une offrande dont l’objet est au-dessus [de ce monde], qui a pour objet le ciel, dont le résultat doit être le bonheur, dont le ciel est le but ; ainsi, seigneur Aggivêssâyana, est-il donc possible qu’on leur annonce, dès ce monde-ci, un tel résultat comme prévu et comme le fruit général de leur conduite ? Cela dit, seigneur, Nigaṇṭha Nâtaputta me parla ainsi : En ce monde, grand roi, le mendiant Nigaṇṭha est retenu par le frein des quatre abstentions réunies. Et comment, grand roi, le mendiant Nigaṇṭha est-il retenu par le frein des quatre abstentions réunies ? En ce monde, grand roi, le mendiant Nigaṇṭha est entièrement retenu par le lien qui enchaîne ; il est enveloppé par tous les liens, enlacé par tous les liens, resserré par tous les liens ; voilà de quelle manière, grand roi, le mendiant Nigaṇṭha est retenu par le frein des quatre abstentions réunies. Et parce qu’il est ainsi retenu, grand roi, il est nommé Nigaṇṭha, c’est-à-dire libre de toute chaîne, pour qui toute chaîne est détruite, qui a secoué toutes les chaînes[2]. Voilà de quelle manière, seigneur, Nigaṇṭha Nâtaputta

  1. Cet ascète est celui qui est nommé dans les livres du Népal Nirgrantha fils de Djñâti. (Introd. à l’hist. du Buddh. indien t. I, p. 162.) J’ignore pourquoi le pâli supprime l’i de Djnâti ; serait-ce que le primitif véritable serait Djñâtrĭ, et que le Djñâti du Nord en serait un prâkritisme correspondant à celui du Sud nâtaj comme djêta correspond à djêtri ? Le surnom qu’on lui donne, Aggivêssâyana, prouve qu’il descendait de la famille d’Agnivâiçya, dont les Buddhistes du Nord connaissent aussi un membre. (Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 457, note 1.)
  2. La contradiction qui existe entre le nom du Nigaṇṭha, en sanscrit Nirgrantha, « qui est affranchi de toute chaîne, » et la définition qu’en donne le philosophe, s’explique par un jeu de mots qui roule sur le sens de grantha. On nomme en effet le Religieux Nigaṇṭha, parce qu’il n’a plus aucun attachement pour quoi que ce soit au monde ; aucun lien ne le retient donc plus. Mais quand la définition dit qu’il est enlacé dans tous les liens, cela, signifie qu’il obéit si complètement aux règles d’une rigoureuse abstention, qu’il semble que tous ses mouvements soient enchaînés dans des liens qui le retiennent captif. Au reste, les mots qui terminent la définition du Nigaṇṭha sont obscurs, et il est probable que le manuscrit est altéré en cet endroit. Voici le texte même que j’ai traduit par conjecture : Ayam̃ vutchtchati mahâra (l. mahârâdja) nigaṇṭha gaṇṭhô (l. gata­tantô) khayatantô tchathitantô tchâtu. On sait que dans l’écriture singhalaise le t et l’n sont si peu distincts, qu’on n’est jamais sûr de lire exactement un mot où figurent ces lettres : ici on peut lire également nattô et nantô,