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APPENDICE. — N° IV.

l’ouïe, celui du son, celui de la notion acquise par l’ouïe ; l’élément dit de l’odorat, celui de l’odeur, celui de la notion acquise par l’odorat ; l’élément dit de la langue (ou du goût), celui du goût, celui de la notion acquise par la langue ; l’élément dit du corps (ou de la peau), celui du toucher, celui de la notion acquise par le corps ; l’élément dit du manas (de l’esprit ou du cœur), celui du mérite moral (ou de l’être), celui de la notion acquise par le manas. »

Les Buddhistes du Nord connaissent également cette classification, et le commentaire philosophique intitulé Abhidharma kôça vyâkhyâ nous apprend que, dans de tels composés, le mot dhâtu n’a en aucune manière la signification d’élément matériel, et qu’il ne le faut pas prendre au sens où on l’emploie en disant, prĭthivî dhâtu, « l’élément matériel dit la terre. » Ici, c’est-à-dire dans l’énumération précédente, le sens de dhâtu est à peu près celui de gôtra, « famille, genre. » L’Abhidharma kôça vyâkhyâ ajoute que les dix-huit Dhâtus énumérés sont nommés ainsi, parce qu’ils contiennent des caractères qui leur sont communs à tous. C’est, comme on voit, rapporter encore cette acception du mot dhâtu à l’idée de contenance. Ils sont ainsi nommés, dit la même autorité, parce que constitués par les éléments propres qui distinguent chacun d’eux, ils ont de plus la forme qui leur appartient en commun. J’ai déjà touché à ce sujet dans la partie métaphysique de mon Introduction à l’histoire du Buddhisme indien[1] ; mais plutôt que d’y renvoyer simplement le lecteur, je crois préférable de donner ici la traduction du passage relatif au dix-huit Dhâtus qui relie entre eux les divers fragments que j’ai déjà introduits dans l’ouvrage précité.

« La connaissance ou la notion acquise par la vue se nomme tchakchur vidjñâna dhâtu, ou l’élément de la notion acquise par la vue, et ainsi de suite pour les autres sens, jusques et y compris la notion acquise par le manas ou l’intellect, qui est manô vidjñâna dhâtu, l’élément de la notion acquise par le manas. Or il faut savoir que ces six notions réunies sont le manô dhâtu, ou l’élément dit manas, ou l’intellect ; car le manas n’est pas autre chose que la connaissance qui a été acquise sans intermédiaire par les six organes des sens. Dans le texte, les six organes des sens sont au génitif qu’on emploie avec le sens de compréhension, pour dire qu’il n’y a rien d’autre parmi eux.

« L’expression sans intermédiaire a pour objet d’exclure l’intervention d’une autre notion. « En effet l’objet contigu à une notion, c’est-à-dire qui n’en est pas séparé par une autre notion, est le réceptacle de cette notion ; mais si quelque chose intervient, alors l’objet n’est plus le réceptacle de la notion. Cependant si ce même réceptacle est celui d’une autre notion, il n’y a pas là intervention d’un intermédiaire ; ainsi, par exemple, dans l’état de réflexion, la pensée fortement appliquée à l’acquisition de quelque chose devient le réceptacle de la pensée d’un obstacle ; il n’y a pas là intervention d’une autre notion.

« L’expression acquise (le texte dit proprement atîta, passé), a pour objet d’exclure l’idée du présent. En effet la notion que donne le manas, quand il est à l’état de contact avec son réceptacle, est une notion présente : voilà pourquoi le texte définit comme acquise (passée) la connaissance dont il parle ; aussi dit-il : [Si le mot manas est pris en ce sens,] c’est pour faire connaître le sixième réceptacle.

  1. Voy. t. I, p. 449.