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APPENDICE. — N° IV.

Vidjñâna, « la connaissance, » elle n’est pas exclusivement propre au texte pâli précité ; elle répond en effet exactement à la place qu’occupe le Vidjñâna à l’égard du Nâmarûpa, « le nom et la forme, » dans l’évolution des douze causes de l’existence[1]. Car dire que le nom et la forme ont pour origine la connaissance, c’est dire la réciproque de ceci : le nom et la forme retournent dans la connaissance. Il n’est pas non plus sans intérêt de remarquer la formule par laquelle Çâkyamuni est représenté exposant son opinion sur le Vidjñâna et les quatre éléments : il est clair qu’il entend substituer une théorie nouvelle sur le mode et le terme de l’absorption des éléments matériels à la théorie des Brâhmanes qui les faisaient rentrer successivement dans leur Paramâtman, ou esprit universel.

Après l’énumération des six éléments qui vient de donner lieu aux précédentes remarques, le Djina alam̃kâra en expose une autre, également composée de six termes, lesquels sont tous des qualités morales. Ce sont kâma dhâtu, vyâpâda dhâtu, him̃sâ dhâtu, nêkkamma dhâtu, auyâpâda dhâtu, avihim̃sâ dhâtu, « l’élément dit du désir, celui de la méchanceté, celui de la cruauté, celui de l’inaction, celui de l’absence de méchanceté, celui de l’absence de cruauté. » Les trois derniers termes sont, on le voit, opposés aux trois premiers ; l’inaction est le contraire du désir, lequel est la cause première de l’activité humaine.

La catégorie qui vient ensuite et qui est également composée de six termes, a pour base les deux accidents opposés de la douleur et au plaisir ; ce sont dakkha dhâtu, dômanassa dhâtu, avidjdjâ dhâtu, sukha dhâtu, sômanassa dhâtu, apêkkhâ dhâtu, « l’élément dit de la douleur, celui du désespoir, celui de l’ignorance, celui du plaisir, celui du contentement, celui de l’indifférence. »

À cette catégorie, qui est suffisamment claire par elle-même, succède celle des trois régions dont j’ai parlé ailleurs, kâma dhâtu, rûpa dhâtu, arûpa dhâtu, « la région du désir, la région de la forme, la région de l’absence de forme. » Il est bien certain que s’il faut ici donner un sens au mot dhâtu, c’est celui de région, plutôt que celui d’élément ; mais en même temps le sens général de classe, de genre, réclamé par l’auteur de l’Abhidharma kôça vyâkhyâ, ne convient pas moins bien à cette catégorie qu’aux précédentes.

La dernière de ces listes est composée aussi de trois termes qui touchent aux points les plus élevés de la doctrine buddhique, ce sont : nirôdha dhâtu, samkhâra dhâtu, nibbâna dhâtu, « l’élément dit de la cessation, celui de la conception, celui du Nibbâna ou de l’anéantissement. » J’ai montré ailleurs combien il était difficile de traduire d’une manière uniforme, dans tous les passages où il se présente, le terme de sam̃khâra pour sam̃skâra[2]. Ici ce terme me paraît être opposé à celui de nirôdha, et celui de nirôdha à son tour est donné comme moyen de parvenir au dernier des trois, ou au Nibbâna, en sanscrit Nirvâṇa. En effet le sam̃skâra étant, dans la série des causes de l’existence individuelle, le premier terme après avidyâ ou l’ignorance, de façon que c’est du sam̃skâra que part toute l’évolution de ces causes, du moment qu’il est supprimé, ou frappé de nirôdha, le Nirvâṇa ou l’anéantissement a lieu. Et si l’on demandait pourquoi le terme de nirôdha ou la cessation est placé ici avant ce qui doit cesser, c’est-à-dire le sam̃skâra ou la conception, peut-être

  1. Introd. à l’hist. du Buddh. indien, t. I, p. 502.
  2. Ibid. p. 503 et suiv.