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APPENDICE. — No VI.

aussi répandue à Ceylan qu’au Népâl. Je la rencontre dans le Milinda praçna singhalais dont je possède un exemplaire ; elle est ainsi conçue :

Ârabhaiha nikkhamatha yuñdjatha Buddhasâsanê
dhunâtha matchtchunô sênam̃ nalâgâram̃va kuñdjarô[1].

Ici tout est en règle ; matchtchunô est le génitif de matchtchu, « la mort, » pour le sanscrit mrĭtyu, et nalâgâramva, pour nalâgâram̃va, nous offre un exemple de la suppression permise d’une voyelle après Vanusvâra, que le dialecte pâli traite fréquemment comme une voyelle devant une lettre de même nature. Ici encore la comparaison des deux stances, l’une en sanscrit, l’autre en pâli, m’autorise à penser que la stance pâlie est originale, que la stance sanscrite n’en est qu’une imitation, la maxime s’étant produite d’abord sous une forme populaire avant de passer dans la langue scientifique, où elle a conservé encore deux traces ineffaçables de sa véritable origine.

Je n’ai donné que la version pâlie de la première des deux stances sanscrites que je viens d’examiner, parce que je n’ai pas encore trouvé la seconde dans un texte pâli. Il est fort probable cependant qu’elle doit s’y rencontrer ; peut-être m’a-t-elle échappé à cause de sa vulgarité même, et dans un temps où mon attention n’était pas encore dirigée sur ces formules populaires et un peu banales. Je suppose qu’elle s’écrirait ainsi :

Yô asmim̃ dhammavinayê appamattô tcharissati
pahâya djâtisamsâram̃ dukkhassantam̃ karissati.

Comparée à la rédaction sanscrite, cette stance n’offrirait pas de caractère décisif propre à montrer qu’elle est antérieure ; cependant nous trouvons dans la stance sanscrite la conjonction hi, qui est peut-être introduite ici plutôt pour sauver le mètre que pour ajouter quelque trait indispensable à l’expression de l’idée.

No VI.
SUR L’ENCHAÎNEMENT MUTUEL DES CAUSES.
(Ci-dessus, chap. i, f. 11 a, p. 332.)

L’expression que je traduisais ainsi au commencement de mes études sur les textes buddhiques, et que j’ai rendue plus tard par « la production des causes successives de l’existence, » est pratîtya samutpâda, littéralement « la production connexe des causes réciproques. » J’en ai donné une explication étymologique à la fin de mon Introduction à l’histoire du Buddhisme[2] ; ce que j’ai trouvé depuis dans d’autres livres du Népâl tend plutôt à confirmer qu’à modifier cette interprétation que j’avais empruntée au commentateur Çrîlâbha. L’auteur ou le commentateur du livre intitulé Vinaya sûtra, interprétant la première stance d’un traité philosophique attribué à Nâgârdjuna et relatif au pratîtya

  1. Milinda praçna, f. ḍâi ro.
  2. Tom. I, p. 623.