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APPENDICE. — N° VIII.

d’après le type idéal de beauté que se représentent les poètes indiens. J’ajoute que ces traits, qu’on retrouverait épars dans les productions de la littérature brahmanique, sont exactement ceux dont les observateurs les plus éclairés ont de nos jours constaté l’existence parmi les premières classes de la population indienne. Il me suffira de me référer en ce point au jugement de V. Jacquemont pour le Nord de l’Inde, et à celui du docteur J. Davy pour Ceylan ; an des ethnographes les plus accrédités le docteur J. C. Prichard, s’est déjà autorisé à bon droit des observations du médecin anglais que je viens de citer pour tracer le résumé du caractère physique des Indiens qu’il a inséré dans un de ses derniers volumes[1].

La conséquence la plus directe qui résulte du fait que je viens d’établir, c’est que la double énumération des caractères physiques d’un grand homme, selon les Buddhistes, n’a rien d’individuel ; qu’elle n’est pas le portrait d’un personnage donné, comme Çâkyamuni, par exemple, dont on aurait voulu perpétuer les traits par une description expresse. Les Buddhistes eux-mêmes ne semblent pas avoir eu cette prétention. En donnant à leur héros les cent douze attributs de la beauté, ils ne font autre chose que de déclarer qu’il était au physique, comme il l’était au moral, un être accompli ; il y a plus, ils ne pensent pas même que la possession de ces attributs soit l’apanage exclusif de leur saint, puisqu’ils disent que l’homme privilégié sur le corps duquel on les remarque peut devenir un monarque suprême aussi bien qu’un Buddha ; le témoignage des textes est formel à cet égard. Il existait donc chez les Indiens un type de la beauté physique, type emprunté à la population la plus élevée dans l’ordre social, et que le temps » et probablement aussi une sorte de convention avaient, dû consacrer. C’est ce type qui est devenu pour les Buddhistes le signe, extérieur de la sagesse la plus parfaite et de la puissance la plus illimitée. La double attribution qu’ils en ont faite à deux ordres de personnages distincts exclut donc toute idée d’individualité dans le choix des traits qui le composent. Cette attribution, en ce qui touche le Buddha, n’est que l’effet naturel du respect religieux ; elle a dû être faite après coup et par des adorateurs fervents.

On serait tenté cependant de chercher quelques traces d’individualité dans certains traits. qui ne paraissent pas tenir au type dont je parlais tout à l’heure, type qu’on pourrait appeler Ario-indien. La protubérance qui couronne la tête, les cheveux frisés, le cercle de poils placé entre les sourcils, le son de la voix qui est l’objet de plusieurs comparaisons auxquelles on ne peut cependant accorder une égale valeur, les lignes tracées en forme de réseaux dont les doigts sont couverts, voilà des caractères qui ont pu, jusqu’à un certain point, être observés sur un personnage réel, et réunis par la tradition aux attributs plus généraux du type national ; il importe donc de les examiner ici de plus près.

Les trois premiers de ces caractères se sont conservés, quoique, inégalement, sur les statues et sur les représentations des Buddhas qu’on trouve chez les divers peuples orientaux convertis au Buddhisme ; et cette circonstance est à elle seule une preuve de l’importance qu’on avait dû y attacher dans le principe. On comprend qu’il soit actuellement impossible de déterminer, avec quelque apparence de probabilité, ce qu’il y a de primiti-

  1. J. C. Prichard, Researches into the physic. Histor. of Mankind, t. IV, p. 192 et suiv. 3e édit. 1844.