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être la passion de l’envie est-elle la plus ardente de toutes) = je ne sais si elle n’est pas la plus ardente, je suis porté à croire qu’elle l’est.

C. Gracchus, si diutius vixisset, eloquentiā nescio an habuisset parem neminem[1] (si C. Gracchus eût vécu plus longtemps, peut-être n’aurait-il pas eu de rival en éloquence) = je ne sais s’il aurait eu son pareil, je crois qu’il ne l’aurait pas eu.

Rem. Nescio suivi de est le contraire de nescio an : Hæc nescio rectesint litteris commissa[2] (je ne sais si j’ai bien fait de confier ces réflexions à une lettre).

Pour en sentir la raison, il suffit d’ajouter la seconde partie de l’alternative : an imprudenter (ou si j’ai commis une imprudence). A présent, de cette même alternative, ainsi présentée : Hæc nescio [rectene] an imprudenter sint litteris commissa, retranchez le premier terme, rectene ; et vous comprendrez comment le reste signifiera : « Peut-être ai-je commis, je ne sais si je n’ai pas commis une imprudence, en confiant ces réflexions à une lettre. » An marque toujours le second membre d’une interrogation indirecte, dont le premier est dans la pensée de la personne qui parle[3].

§476. Dubitare an.

An, après le verbe dubitare, a le même sens que dans la formule haud scio an : Darius dubitasse dicitur, an fugæ dedecus honestā morte vitaret[4] (on dit que Darius douta, balança s’il n’éviterait pas la honte de la fuite par une mort honorable) = il songea à l’éviter.

§ 477. Dubitare nĕ, num. — Douter si, douter que.

On dit en français « Je doute si mon ami viendra, » lorsqu’on est à cet égard dans une incertitude absolue ; et « Je doute que mon ami vienne, » si l’on présume qu’il ne viendra pas. Le latin dira, dans l’un et dans l’autre cas : Dubito venturusnĕ sit, ou num venturus sit amicus.

Si ou que après douter s’expriment donc par ou par num[5] : Dubitabam tu has litteras essesnĕ accepturus ; erat enim in-

  1. Cic. Brut. 33.
  2. Cic. Ep. fam. II, 5.
  3. Nescio an n’a jamais d’autre sens dans Cicéron, au moins d’après les éditions critiques. L’usage varie chez les auteurs plus récents ; ainsi l’exemple suivant de Pline le Jeune, Ep. III, i, offre une construction exactement conforme à la manière française : Nescio an ullum jucundius tempus exegerim, (je ne sais si jamais j’ai passé des moments plus agréables). Cicéron aurait dit, Nescio an nullum, etc.
  4. Q. C. IV, 15. Au reste, le même Quinte-Curce, IX, 2, emploie dubitare an dans le sens français : Dubitabat an Macedones secuturi essent (il doutait si les Macédoniens le suivraient) ; il craignait qu’ils ne le suivissent pas. Mais de tels exemples sont rares, même dans les écrivains postérieurs au siècle d’Auguste.
  5. Et non par an, au moins dans le style vraiment classique.