Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 1, éd. Boiteau, 1856.djvu/94

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grande, la forme du visage ronde et plate, le teint admirable, le front grand et la taille belle ;

    Monsieur pour l’éloigner ; mais son exil fut court, et on peut s’imaginer que ce crime n’avoit pas beaucoup offensé celle qui en étoit la cause : car cette passion, paroissant alors désapprouvée par elle, ne pouvoit, selon les fausses maximes que l’amour-propre inspire, lui apporter que de la gloire. »

    Les Lettres de Madame (la Palatine, 3 juillet 1718) regardent la chose comme une liaison véritable. Les pamphlets se sont prétendus très instruits de tout cela. Guiche ne se seroit pas perdu, même par ces hardiesses, s’il ne se fût mis, avec Vardes et la comtesse de Soissons, dans le parti de ceux qui voulurent faire quitter au roi l’amour de La Vallière, trop tendre pour eux et trop exclusif. On connoît l’aventure de la lettre espagnole qu’ils firent remettre à la reine pour l’instruire. Dès ce moment, Guiche dut renoncer à l’amitié de son maître. Il fut exilé plus d’une fois. Lorsqu’il revenoit, rien ne paroissoit altéré en lui de tout ce qui avoit fait son élégante renommée : « Le comte de Guiche est à la cour tout seul de son air et de sa manière, un héros de roman, qui ne ressemble point au reste des hommes : voilà ce qu’on me mande. » (Sévigné, 7 octobre 1671.)

    Guiche affectoit une profonde indifférence pour la vie qu’il menoit, pour la cour, pour son pays même. Il ne manquoit pas de courage : il passa le premier le Rhin à la nage (Quincy, Hist. milit. de Louis XIV, t. 1, p. 321) ; il ne manquoit pas de solidité dans l’esprit, quoi qu’on en ait pu dire : il a laissé des mémoires, et, entre autres pages, une Relation du passage du Rhin qui est bien écrite.

    On l’avoit marié malgré lui à mademoiselle de Béthune, petite-fille de Séguier ; il ne consentit jamais à feindre de l’aimer et l’abandonna. Cette jeune femme avoit treize ans lorsqu’il l’épousa (1658). « Il se soucioit si peu de sa femme qu’il étoit bien aise de ne la jamais voir, et on disoit qu’il vivoit avec elle comme un homme qui vouloit se démarier un jour, et que la cause en étoit l’extrême passion qu’il avoit pour la fille de madame Beauvais. » (Montp., t. 3, p. 276.)

    Cette extrême passion, comme Bussy le montre, n’étoit sans doute pas plus sincère que toutes les autres. En somme, le beau Guiche est un homme marié dès le premier pas qu’il fait devant nous.

    S’il mérita peu l’estime de ceux qui aiment les vrais amants,