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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/110

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personne ne le croyoit. Mais quand quelqu’un le sut, sa tendresse changea, et il l’aima depuis pour faire dépit à ceux qui en parloient. J’en connois mille qui n’aiment point, et ce qu’ils en font n’est que pour faire enrager des rivaux, et je pense même que les faveurs secrètes de leurs maîtresses ne leur sont chères qu’autant qu’elles sont publiques. Ah ! Madame, est-ce là être amoureux ? L’amour ne veut que le mystère, le silence et le secret, et ces gens-là ne le veulent pas souffrir. Les femmes font de même, n’aimant pas plus que les hommes, et ce n’est que par vanité qu’elles retiennent leurs cœurs ; elles seroient bien fâchées si l’on ne disoit au cercle : Monsieur le duc, monsieur le chevalier, est amoureux de madame une telle. Elles aiment bien mieux une magnifique collation, un bal bien ordonné, qu’un saisissement, qu’une plainte de n’être pas aimée, et enfin qu’une lettre tendre et touchante. Ce n’est pas que ces dames n’accordent aussi franchement les dernières faveurs à leurs amants que si elles les aimoient ; mais c’est pour les obliger à faire de la dépense ou à leur donner de quoi en faire. Aussi ne faut-il pas s’étonner si ces commerces se rompent, si une absence détruit tout ; et si l’on trouve beaucoup de femmes belles et de cette humeur, on en retrouve autant qu’on en perd. Mais, Madame, on ne retrouve pas aisément des personnes qui aient l’esprit délicat et au-dessus de la bagatelle. L’on n’en voit pas souvent dont le cœur se donne sans réserve, qui soient sincères et tendres, qui n’aiment en leurs amans que leur ardent amour, leur vertu et leur fidélité. Les femmes dont je vous parle