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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/118

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qu’il faisoit quand quelqu’un la choquoit, qu’il n’étoit pas content. Il la faisoit venir souvent, et effectivement il étoit bien plus agréable et fournissoit bien davantage à la conversation que lors qu’elle n’y étoit pas. Cependant concevez que j’en étois la malheureuse, ne voyant presque plus personne, de peur qu’on avoit de lui déplaire ; il n’y avoit que le pauvre comte de Guiche qui venoit toujours hardiment me voir. Bon Dieu, que j’étois aveuglée !

Il me souvient qu’un jour que mademoiselle de Tonnecharante avoit la fièvre, que La Vallière étoit auprès d’elle, d’abord que le Roi le sçut, il en fut tout ému et se leva pour l’aller quérir. Le comte me dit : « Ah ! que le Roi, Madame, est honnête homme, s’il n’a point d’amour ! » Je vous avoue que je ne le croyois pas, quoique chacun dît le contraire ; la jeune Reine même me le persuadoit bien mieux que les autres par sa froideur pour moi, qu’elle prétendoit venir de ce que j’avois ri un soir qu’elle pensa tomber ici en dansant ; Monsieur m’en donna aussi des attaques à la chasse : en vérité, quand j’y pense, nos deux illustres se divertissoient bien de ma simplicité ; mais achevons.

Un jour que la comtesse de Maure [1] me vint voir, La Vallière lui demanda si elle n’avoit point vu la Tonnecharante, qui étoit sortie pour l’aller voir. Vous connoissez bien l’esprit de la comtesse, qui étoit sa particulière amie ; elle trouva que La Vallière ne parloit pas comme elle devoit

  1. Anne Doni d’Attichi, femme de Louis, comte de Maure, la célèbre amie de madame de Sablé et de mademoiselle de Montpensier. — Voy. la note précédente.