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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/121

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Après que tout le monde fut parti, je ne pus m’empêcher de dire à toutes mes filles que je serois bien attrapée si je n’avois pas le lendemain ce bijou à mon lever. La Vallière rougit et ne répondit rien ; un moment après elle partit, et la Tonnecharante la suivit doucement. Elle vit La Vallière comme je vous vois regarder ce bracelet, le baiser, puis le mettre dans sa poche, lorsque la Tonnecharente l’empêcha par un cri qu’elle fit, à dessein de lui faire peur. Je pense qu’elle en eut aussi ; mais, après s’être remise, elle ne chercha point de finesse, elle lui dit : « Eh ! bien, Mademoiselle, vous voyez que vous avez le secret du Roi entre vos mains ; c’est une chose délicate, pensez-y plus d’une fois. » Voici la Tonnecharante aux prières de lui dire la vérité de toute cette intrigue. La Vallière lui dit sans façon les choses au point qu’elles en étoient ; après quoi elle écrivit toute cette aventure au Roi.

Le lendemain il vint chez moi dès les deux heures, et parla près d’une heure à elle. Il voulut dès ce jour-là la tirer de chez moi ; elle ne le voulut pas. Il souhaita qu’elle prît ces boucles d’oreilles et cette montre, et qu’elle entrât dans ma chambre avec tous ses atours ; ce qu’elle fit. Je lui demandai devant le Roi qui lui pouvoit avoir donné cela. — « Moi », répondit le Roi peu civilement. Je demeurai muette ; mais, comme le Roi souhaita que j’allasse à Versailles et que j’y menasse cette créature, j’attendis à la chapitrer devant les Reines. Assurément que le Roi s’en douta, et ce fut ce même jour qu’il nous fit cette incivilité à toutes, de nous laisser à la pluie qui survint