Aller au contenu

Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chassât d’auprès de Madame toutes les personnes qui pourroient faciliter de tels commerces. Le Roi fut touché de l’air naïf dont son frère lui exprimoit sa jalousie ; de tout le reste, il lui dit que de tels chagrins devoient plutôt s’étouffer que de paroître ; que néanmoins, si la témérité du comte avoit éclaté, il n’y avoit pas de milieu à tenir ; qu’il y avoit des gardes chez lui pour punir sur-le-champ ceux qui oublieroient le respect qu’ils lui devoient ; qu’on n’offensoit pas ceux de son rang impunément ; que sans examiner si le comte étoit coupable ou non, il falloit l’envoyer si loin, qu’à peine sauroit-on ce qu’il seroit devenu ; qu’au reste c’étoit à lui d’éloigner doucement de Madame les personnes qui pourroient lui être suspectes ; qu’il ne falloit pas prendre de l’ombrage facilement ; que surtout il avoit à ménager délicatement l’esprit de Madame sur ce chapitre ; que c’étoit une jeune personne qui, tout éclairée qu’elle étoit, avoit peut-être ignoré que ces petites façons libres, mais innocentes dans le fond, ne l’étoient pas dans l’extérieur, et qu’en étant avertie à propos, elle n’y tomberoit plus assurément. Enfin le Roi n’oublia rien de ce qui pût adoucir le ressentiment de son frère, et lui rassurer l’esprit sur un sujet si délicat.

« Le jour même que Monsieur étoit en colère, et qu’il avoit oublié ce qu’on venoit de lui dire, il fit sortir Montalais et Barbezières de chez Madame, qui ne souffrit pas sans larmes l’éloignement de deux filles qu’elle aimoit.

« Cependant le Roi envoya quérir le maréchal de Grammont. D’abord qu’il le vit, il fit retirer tout le monde et lui dit : « Monsieur le maréchal,