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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/229

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quoique de loin, comme un rayon du brillant éclat de votre Royale personne ; je veux dire, Mademoiselle, Votre Altesse Royale, sur qui les grâces et les beautés ensemble faisoient un assemblage de tout ce qui peut flatter la vue : car, quoique vous soyez charmante toujours, la blancheur des lis que vous cachez sous du fil ou de la soie, cette gorge admirable, ce sein de neige [1], dont vous n’avez pas pu me dérober la vue, tout cela joint à la majesté sans égale de votre taille, auroit produit sur moi les mêmes effets que sur les plus grands princes du monde ; je n’aurois pu voir tant de merveilles ensemble sans les vouloir considérer attentivement. Je sais que la considération des belles choses donne du plaisir, que le plaisir allume le désir, et enfin que le désir n’aboutit qu’à la jouissance [2]. En un mot, je n’aurois jamais pu éviter ce charme, qui par conséquent auroit fait mon malheur. Hélas ! je reconnois bien aujourd’hui que c’est une belle et avantageuse qualité que celle de roi ou de souverain, puisqu’il n’y a qu’à eux seuls d’aspirer sans crime à la possession de ces belles choses [3].

  1. Un pareil langage n’a rien d’étonnant dans un temps où les poètes, faisant l’éloge des dames, ne manquoient jamais de chanter leur sein ; où elles-mêmes décrivoient volontiers toutes leurs beautés dans leurs portraits.
  2. Il parut au XVIIe siècle tant de pièces, élégies, sonnets, etc., sous ce titre de Jouissances, que le sieur de La Croix, auteur d’un art poétique, a fait de la Jouissance un genre de poésie particulier, comme l’épithalame ou la ballade. Les femmes elles-mêmes, et des plus considérées, faisoient des pièces de ce genre ; il en est jusqu’à dix que je pourrois citer.
  3. C’est ce qui faisoit dire à mademoiselle de Montpensier, quand on lui annonça l’arrivée du roi d’Angleterre, dont on