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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/256

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termes et une action tout à fait touchante : « Voilà, Monsieur, le billet dans lequel est ce que vous souhaitez si ardemment de savoir ; mais ne l’ouvrez pas qu’il ne soit minuit passé, parce que j’ai remarqué souvent que les jours de vendredi, comme il est aujourd’hui, me sont tout à fait malheureux ; ainsi ne me désobligez pas jusque là, et je verrai si vous avez de la considération pour moi, si vous m’obligez en ce rencontre. — Oh ! Mademoiselle, répondit notre comte, que ce temps me va être long ! et le moyen d’avoir son bonheur entre les mains sans l’oser goûter ? — Je verrai par là, dit Mademoiselle, si vous m’êtes fidèle ; et si vous me le refusez, je mettrai sur vous tous les événements qui suivront s’ils me sont funestes. — Oui, Mademoiselle, je vous obéirai jusques à la fin, répondit M. de Lauzun, et je ne manquerai jamais à donner des preuves de ma fidélité et de mon devoir à Votre Altesse Royale. » Peu de temps après, onze heures frappèrent ; notre comte, qui tenoit sa montre dans sa main, ne manqua pas de la montrer à Mademoiselle, et pendant tout ce temps-là, jamais homme ne témoigna plus d’empressement que fit M. de Lauzun ; et tous ces petits emportements qu’il faisoit remarquer à cette princesse pour le temps qu’elle lui avoit fixé étoient autant de puissans aiguillons qui la perçoient jusques au fond du cœur. Elle étoit ravie de le voir ; aussi ce fut ce qui l’acheva d’enflammer, et qui fit déclarer toutes ses affections en faveur de cet heureux soupirant. Enfin, le voici encore qui vient avec la montre à la main dire à Mademoiselle que minuit étoit passé.