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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/276

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au-dessus de ma condition, et qui me rendroit criminel si j’osois la mettre au jour de moi-même, s’il étoit vrai que je l’eusse conçue ; je sais trop mon devoir envers mon Roi et toute la maison royale. Et outre ce devoir et ce respect, je sais encore que je ne suis qu’un gueux de cadet, qui n’a rien qu’il ne tienne des libéralités toutes royales de Votre Majesté ; je sais que sans elle je ne serois rien : je n’avois rien quand je me suis voué à son service, et aujourd’hui je puis me vanter d’avoir quelque chose, ou, pour parler plus juste, je puis avancer que je suis trop riche, puisque j’ai l’honneur de ne vous pas être indifférent. Tous les bienfaits que je reçois tous les jours de Votre Majesté me font croire que j’ai le bonheur d’avoir quelque part dans vos bonnes grâces. Aussi, Sire, et mon devoir, et ma juste reconnoissance, joints avec toutes sortes de raisons, ne veulent pas que je prétende jamais rien sans l’aveu de Votre Majesté. Mais, Sire, s’il m’est permis de le redire encore avec tout le respect que je vous dois, si Votre Majesté ne m’est point contraire, je me puis dire le plus heureux de tous les hommes. »

Madame de Montespan, qui étoit là et qui avoit écouté, sans parler, tout ce dialogue, et qui étoit, aussi bien que le Roi, ravie d’étonnement de voir la façon passionnée et soumise avec laquelle M. de Lauzun venoit de parler, fut sensiblement touchée, et ce fut ce qui lui fit dire au Roi : « Et pourquoi, Sire, vous opposeriez-vous à sa fortune ? Laissez-le faire, il n’y a point de personne qui ait plus de mérite que lui ; que cela vous fait-il ? — Bien, dit le Roi, va, Lauzun, je t’assure