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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/313

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Bagneux s’en aperçût et en eut beaucoup de déplaisir par les suites qu’elle en craignit.

Elle appréhenda que cette nouvelle passion ne traversât son commerce avec le chevalier de Fosseuse, soit par jalousie de son mari, qui en deviendroit plus défiant envers elle, soit par celle qu’elle pourroit donner au chevalier de Fosseuse même, ou par le soin que le baron de Villefranche prendroit, à l’avenir, de savoir toutes ses actions, par l’intérêt de son amour.

C’est pourquoi, lorsqu’elle revit de chevalier de Fosseuse, elle lui dit sincèrement ce qu’elle pensoit de la passion du baron de Villefranche, et en même temps l’assura qu’elle le croyoit toujours seul digne de son estime, et qu’elle étoit incapable d’être jamais sensible pour un autre que pour lui, et lui recommanda de s’observer dans la suite encore plus que par le passé, et de garder de plus grandes mesures en ce qui la regardoit.

Le chevalier de Fosseuse fut extrêmement surpris de ce que lui apprenoit madame de Bagneux ; mais son procédé généreux le rassura en partie. Il lui répondit que, sans la grâce qu’elle lui faisoit de l’assurer qu’elle étoit incapable de changer, il seroit très-malheureux ; qu’il croyoit bien, par l’effet que sa beauté avoit fait sur lui, que sans cette grâce il n’auroit pas seulement à craindre le baron de Villefranche, mais tout ce qu’il y avoit d’hommes sur la terre ; mais qu’il osoit aussi la conjurer de croire que personne ne pouvoit jamais avoir pour elle autant d’admiration qu’il en avoit, et enfin qu’il auroit plus de douleur qu’elle-même si la bonté qu’elle avoit