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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/318

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Son amour lui inspira le dessein de sauver son frère, espérant que ce service le justifieroit dans son esprit, ou traverseroit au moins le bonheur de son rival.

Peu de temps après avoir formé ce dessein, il voulut encore aborder madame de Bagneux, désirant de savoir, avant que de partir, si véritablement elle croyoit avoir sujet de l’accuser, ou s’il ne devoit plus douter de son inconstance. Il lui sembloit qu’il seroit bien moins malheureux si elle avoit ces soupçons contre lui, quelque criminel qu’elle se l’imaginât, que si le bonheur du baron de Villefranche étoit la cause de l’état où il étoit et qui lui sembloit si cruel ; il croyoit que ce qu’il avoit résolu paroîtroit à madame de Bagneux de tout autre prix, et que, s’il y périssoit, comme il pouvoit arriver, il en seroit au moins regretté.

Mais il la trouva la même qu’auparavant, c’est-à-dire aussi ferme à ne lui point parler et à ne le point entendre.

Ne pouvant plus être maître des mouvemens de sa jalousie : « Non, non, Madame, lui dit-il avec une douleur mortelle, vous ne pouvez, par la confusion que vous auriez, m’avouer ce qui fait mon malheur. Votre beauté a touché d’autres cœurs que le mien, qui ne pouvoit être touché que pour vous ; le vôtre a été capable de recevoir enfin d’autres vœux que les miens. Mais ce que je vais entreprendre vous fera voir que je n’étois pas indigne de cet honneur, et que je mettrai toujours tout mon bonheur à vous adorer et à vous en donner des marques, nonobstant toute votre injustice et votre inconstance. »