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Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 2, éd. Boiteau, 1857.djvu/348

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reste d’une vie qu’il voyoit qui ne pouvoit être que très-misérable, ne voulant pas être cause que, si madame de Bagneux guérissoit de cette maladie, elle fût jamais exposée pour lui à de pareils malheurs. Et, quoique sa passion lui eût bien fait souhaiter de savoir si elle en relèveroit avant que de s’en éloigner, il résolut de ne le pas attendre, de peur que, si elle en guérissoit, il ne pût exécuter sa résolution.

Et en effet, après l’avoir dite, et écouté ce que lui avoit pu apprendre Florence, à qui il trouva le moyen de parler, il la pria, en versant beaucoup de larmes, de l’apprendre à madame de Bagneux, et de lui dire qu’il alloit haïr la vie plus que personne n’avoit jamais fait, et qu’en quelque état qu’elle fût, elle seroit bien moins malheureuse que lui. Il partit avec un illustre disgrocié qui sortit du royaume.

M. de Bagneux n’avoit pas de moins tristes pensées. Quelques jours après les premiers transports de son ressentiment, apprenant l’extrême danger où étoit sa femme, il en fut vivement affligé, et le même amour qui lui avoit inspiré de si forts sentimens de jalousie et de fureur le fit intéresser à sa guérison. Outre tous les remèdes possibles qu’il prit soin qu’on y apportât, il parut devant elle plusieurs fois, plutôt en amant qui tremble pour la vie de sa maîtresse qu’en mari irrité et qui croit avoir de justes sujets de plaintes. Il tâcha autant de fois de lui persuader que l’emportement qu’il avoit eu venoit de l’excès de son affection ; que la douleur qu’il en avoit ressentie l’assuroit entièrement